Le logement cher revient sur le devant de la scène

Hier soir à Paris, trois candidats à la présidentielle se sont unis aux associations et à des personnalités médiatiques pour dénoncer la crise permanente du logement en France. Et soumettre leurs propositions.

Pauline Graulle  • 10 janvier 2012
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Le logement cher revient sur le devant de la scène
© Photo : AFP

Le logement sera-t-il un enjeu central de la campagne présidentielle ? Entre la course à la petite phrase et la course à la rigueur, le thème pourrait bien passer à la trappe en 2012… Pourtant, près d’un Français sur cinq a aujourd’hui des difficultés pour payer son logement. C’est pour ne pas les oublier et lancer la campagne « Non au logement cher, un toit c’est un droit ! », qu’à l’appel de la plateforme Logement des mouvements sociaux, les acteurs de la lutte contre le mal-logement se sont retrouvés, hier soir, au Théâtre du Rond Point à Paris. L’occasion d’interpeller politiques et citoyens.

« Ce n’est pas une crise, c’est une mutation »

Signe que le meeting était d’importance, pas moins d’une trentaine de personnalités sont réunies, quatre heures durant, sous la houlette de Jean-Baptiste Eyrault (Dal) et de Willy Pelletier (Fondation Copernic). Les dessinateurs Faujour et Charb ( Charlie Hebdo ) sont à leurs crayons. Un écran géant diffuse leurs dessins en direct, pendant que les acteurs Josiane Balasko, Pierre Richard et Yvan Le Bolloc, la syndicaliste de Solidaires Annick Coupé, la co-présidente d’Attac France Aurélie Trouvé, ou encore le généticien Albert Jacquard se relayent sur la scène de la grande salle du théâtre de Jean-Michel Ribes. Au programme, lecture de textes (dont celui de Jules Vallès appelant à la « grève des loyers » ), et constats alarmants sur l’état du logement en France : en dix ans, les loyers HLM ont grimpé de 29 %, les loyers du privé de 50 % et les prix de l’immobilier de 107 %.

L'ex-star du football Eric Cantona a écrit aux maires de France afin d'obtenir les 500 signatures nécessaires à une candidature à l'élection présidentielle, sans vouloir se présenter mais pour faire parler du logement.

Selon Libération , Cantona a décidé de s’engager auprès de la Fondation Abbé-Pierre «pour faire du logement la priorité de la présidentielle» .

« Ce n’est pas une crise que nous vivons, c’est une mutation » , a commencé Albert Jacquard qui, du haut de ses 86 ans, a remis en cause, dans une prose émouvante, le droit de propriété : « Tous les hommes de la terre sont propriétaires de Mona Lisa parce que c’est un chef d’œuvre » . Plus prosaïque, le pugnace Serge Incerti-Formentini, président de la Confédération nationale du logement, s’est alarmé de ce que « la crise du logement n’a jamais été aussi grave depuis cinquante ans » et a mis en garde contre la « marchandisation du logement social » . Il a appelé de ses vœux la création d’un service public du logement et de l’habitat, garanti par l’Etat, bénéficiant d’un budget équivalant à 2 % du PIB.

Quant à la jeune Margaux Leduc, porte-parole des militants de Jeudi Noir, elle a réitéré la demande de l’association, créée il y a six ans, de faire appliquer la loi de réquisition, comme cela avait eu lieu après guerre : « A Paris, 10 % du parc immobilier est vacant , a-t-elle avancé. Il faut que l’Etat réquisitionne, c’est possible ! »

Trois candidats, même combat !

La présence de trois candidats à la présidentielle a été saluée par une salle enthousiaste de quelque 600 personnes (dont beaucoup de familles accompagnées par les associations de logement). Peu connu pour ses talents d’orateur, Philippe Poutou, candidat du NPA, a énoncé, assez scolairement, ses solutions : principalement le blocage des loyers et la réquisition des logements vides.

Pour EELV, Eva Joly, très applaudie, s’est montrée convaincante, bien briefée par son équipe de campagne dont au moins trois membres sont de Jeudi Noir. Regrettant le fait que les pouvoirs publics ont « renoncé à réguler le marché comme si le logement était un bien comme un autre » , elle a invité les spectateurs à aller découvrir son programme « concret et réalisable » sur son site (evajoly2012.fr), et a rappelé l’urgence de sortir de la précarité énergétique.

Mais c’est Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche, qui est arrivé en tête à l’applaudimètre. « Le capitalisme a organisé la rareté du logement » pour pousser à acheter les logements et rendre ainsi les citoyens dépendants des banques, a-t-il déclaré en substance. Et de décliner ses axes de travail s’il devenait le nouveau locataire de l’Elysée : construction de 200 000 logements par an sur un quinquennat, réquisition des logements vides, arrêt des expulsions, coupe des subventions aux villes refusant d’appliquer la SRU. « Je ne suis pas pour le gel [des loyers] *, je suis pour la baisse ! »* , a-t-il lancé, prenant modèle sur l’exemple allemand : calcul de la moyenne des loyers sur une zone et baisse des loyers supérieurs à cette moyenne. Qui a dit que la politique ne faisait plus rêver ?

Société
Temps de lecture : 4 minutes
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