L’écologie, matière en option

Sept candidats à la présidentielle ont planché samedi devant les militants de France nature environnement. Résultat très peu convaincant dans l’ensemble, notamment à droite.

Patrick Piro  • 2 février 2012 abonné·es

Illustration - L’écologie, matière en option

L’exercice est en passe de devenir une tradition : alors que la campagne présidentielle monte en intensité, les candidats sont sommés de dévoiler leur sensibilité écologique. En 2007, c’était la signature du pacte de Nicolas Hulot. En 2012, France nature environnement (FNE), qui regroupe 3 000 associations, a pris le relais en proposant aux politiques un test un peu différent : la fédération a demandé aux candidats ce qu’ils retenaient de son « Appel des 3 000 », présentant ses principales propositions.

Les associations écologistes ont confirmé leur pouvoir de convocation : les politiques, de tous bords, ne se sont pas fait prier. Bayrou, Joly, Lepage, Mélenchon, Morin, Villepin et Hollande, dans l’ordre de leur apparition [[FNE avait restreint son invitation aux candidats « déclarés », « de gouvernement »
et « républicains » (exit donc Sarkozy, Poutou et Le Pen)]], sont venus plancher sur la question samedi 28 janvier à Montreuil (93), devant 2 000 militants de FNE réunis en congrès.

Cependant, la prestation des candidats a globalement pris l’allure d’un oral de rattrapage dans une matière optionnelle, où l’on vient grappiller un supplément de crédibilité, plutôt que d’une discipline principale bûchée pour assurer sa stature. Un discours de niche, de ceux que l’on sert à façon, de place en place, devant des publics corporatistes.
Dans cet exercice, si c’était à confirmer, les discours se revendiquant du « changement » font une place beaucoup plus consistante à l’écologie chez les socialistes et surtout au Front de gauche, qu’à droite et au centre, où l’anti-sarkozysme ne suscite guère d’appels d’air en la matière.

Samedi, à court d’idées, Morin, Villepin et Bayrou ont rivalisé de contorsions pour occuper les quinze minutes imparties par les ordonnateurs de l’épreuve, se contentant de piocher scolairement dans les propositions de FNE. Hervé Morin (Nouveau Centre) révèle que « la crise au balcon, l’environnement à l’abandon » …, s’accroche à la centralité de l’humain face aux marchés et au « pouvoir des citoyens ». Dominique de Villepin (République solidaire) fait valoir sa fibre gaulliste et humaniste, son attachement « aux paysages de France » . « L’environnement, c’est la beauté et l’émotion »… Sa transformation « en profondeur » du pays passera par le « made in France » , donc une amélioration de la qualité supposant « le respect de l’environnement » .

Plus curieusement, François Bayrou, qui compte pourtant quelques transfuges Verts dans son équipe rapprochée, en reste à des platitudes similaires, « sensible à l’harmonie qui doit exister entre l’homme et l’environnement » . « La survie des abeilles, qui assurent la pollinisation de 50 % des plantes alimentaires » est son « premier objectif » en matière d’écologie.
Quand il ajoute que « le frelon asiatique n’a pas toute sa place dans les discours politiques » , on se demande s’il ne se paye pas la tête de l’assistance. De tous les examinés, Bayrou est le seul à faire confiance au nucléaire. Morin adhère à l’idée d’un référendum, comme Villepin, qui veut réduire de 75 à 50 % l’importance de l’atome dans la production d’électricité.

La gauche a des idées bien plus charpentées. Le public FNE retient son souffle aux propos de François Hollande (PS), qui avait « oublié » l’écologie lors de son discours fondateur du Bourget le 22 janvier. À Montreuil, il s’est à demi rattrapé, mais ne convaincra personne en affirmant « croire profondément que l’écologie est un levier fondamental pour sortir de la crise »  : sa proposition phare consiste à botter en touche, avec le lancement d’un « dialogue environnemental, au même niveau que le dialogue social » , qui devra définir des « objectifs, indicateurs et moyens » – une sorte de Grenelle plus abouti, qui inclurait la participation des parlementaires. Il annonce la rénovation thermique d’un million de logements et un soutien stable à l’essor des énergies renouvelables, mais le contenu de sa « transition énergétique » est aussi, pour l’essentiel, renvoyé à un « grand débat citoyen » que conclurait une loi.

Et comme Sarkozy avec son Grenelle, Hollande, qui a arrêté sa position sur le nucléaire, semble l’avoir d’ores et déjà exclu des débats : sa part sera réduite à 50 % d’ici à 2025, la centrale de Fessenheim (et pas d’autre pendant le quinquennat) sera immédiatement fermée, l’EPR achevé, et il investira dans le nucléaire « pour en faire une industrie d’excellence dans le démantèlement » – des vieilles centrales, pour plus tard. Mais pas un mot sur le futur de l’atome.
Le candidat ébauche par ailleurs les contours d’une fiscalité écologique : examen « dès le début du mandat » de toutes les ­dispositions fiscales défavorables à l’environnement, « tarification environnementale » de l’énergie pour casser l’aberration du « plus on consomme, moins on paye » . Chaque ministère sera doté d’une feuille de route de « transition écologique » . Malin, Hollande conclut en rappelant sa « grande cause » , la jeunesse, forcément génératrice d’ambition écologique puisqu’il s’agit de « préparer ensemble le monde de demain » .

Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) recueille sa part d’applaudissements – ce n’était pas gagné. Il avait la tâche délicate sur un terrain où le Parti communiste et le Parti de gauche, dont il est le candidat, sont mal accordés. C’est surtout le cas du nucléaire –  « auquel je suis opposé, à titre personnel »  –, dont l’avenir sera tranché « par le peuple, à l’occasion d’un référendum » .

Mélenchon a cependant su capter l’attention avec son concept de « planification écologique » , rhétorique peu familière aux défenseurs de la nature : une rupture avec le productivisme, le capitalisme et la quête du profit immédiat, qui trouverait son ressourcement dans des solutions cohérentes avec l’écologie – production industrielle en fonction de la demande, aides économiques conditionnées à l’utilité écologique, relocalisation des activités, etc.

Les candidates écologistes pur jus, enfin, ont été très bien reçues, c’est bien le moins. L’avocate Corinne Lepage (CAP 21) brille à l’oral, à l’aise avec son pedigree d’écologiste historique, rompue aux combats associatifs et riche d’une expérience ministérielle (sous Chirac). Elle avale ses quinze minutes avec l’ambition de démontrer qu’elle est « la bonne » candidate de l’écologie. Mais laisse perplexe sur son ambition (centriste, pour qui roule-t-elle ?). Les sondages ne la gratifient que de 0,5 % des intentions.

Pour le public, la « légitime », c’est Eva Joly (EELV), la plus encouragée. « L’écologie n’est pas une affaire d’opportunité électorale, mais un cap pour les vingt prochaines années ! » Avec un boulevard devant elle pour dénoncer l’indigence des grands candidats en matière d’écologie, on attend une envolée oratoire. En vain. Elle déroule des grands principes et un programme sans surprise pour ce public, prédit que « les autres auront le regard rivé sur le résultat des écologistes le soir du premier tour » . Et, un peu désemparée, demande à une audience pourtant acquise de « lui faire confiance » .

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