Malaise mortel

Le suicide d’un inspecteur du travail révèle le profond mal-être de la profession.

Elodie Corvée  • 2 février 2012 abonné·es

Le ton monte chez les inspecteurs du travail après le suicide de l’un d’entre eux, le 18 janvier. Le geste fatal de Romain Lecoustre, militant syndical de SUD, qui s’est donné la mort par pendaison à son domicile, porte à quatre le nombre de suicides depuis trois ans parmi les agents. En cause : le malaise grandissant de la profession, dû à la dégradation progressive des conditions de travail.

Romain Lecoustre avait déjà tenté de mettre fin à ses jours en juillet 2011 : « Suite à cette tentative de suicide, nous avons alerté tous les échelons hiérarchiques sur la détérioration de ses conditions de travail et avons dénoncé leur inertie à prendre des mesures afin de faire cesser cette situation » , ont écrit les syndicats (CFDT-CGT-FO-SNUTEFE-FSU-SUD-Unsa) dans un communiqué. « Après sa tentative, raconte un des collègues syndicalistes de Romain Lecoustre, il est allé voir ses camarades pour ­dénoncer tout le mal qu’on nous fait et rendre son geste public. »

Le manque d’effectifs, la surcharge de travail, l’absence de considération… Les causes du malaise sont nombreuses. La première tentative de suicide du salarié avait conduit l’inspection générale des affaires sociales à mener une enquête. Les résultats n’ont jamais été publiés. « La hiérarchie ne voulait pas les faire sortir. Des rumeurs disaient qu’elle était mise en cause », affirme l’inspecteur du travail et militant syndical Gérard Filoche, qui met cette même hiérarchie sur le banc des accusés. « Avant, les directeurs étaient d’anciens inspecteurs montés en grade. Aujourd’hui, ils sont nommés par le gouvernement et ce sont des personnes qui n’y connaissent rien » , explique-t-il.

Un autre inspecteur du travail dénonce des « injonctions déconnectées de la réalité du terrain » , accompagnées de « propos malveillants »  : « On nous demande de faire du chiffre. Et on va voir les agents individuellement pour leur dire que c’est eux qui font baisser la moyenne départementale. »
La colère gronde d’autant plus que le signal d’alarme était tiré depuis plusieurs années. Un rapport rédigé en 2010 par un médecin du travail d’Arras alertait sur les effets désastreux de la surcharge de travail imposée aux inspecteurs et aux contrôleurs. Une centaine d’agents de l’inspection du travail ont manifesté à Lille, le ­26 janvier, devant la direction régionale des entreprises. Ils veulent à tout prix faire reconnaître le ­suicide de Romain Lecoustre comme accident de service.

Une reconnaissance symbolique qui ne permettra pas d’enrayer la spirale. De source syndicale, une prime de fonction et de résultats sera bientôt mise en place. Autre moyen de pression pour que les objectifs chiffrés imposés par le ministère du Travail soient remplis.

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