Un terrain glissant

Les candidats font l’impasse sur la banlieue, alors même qu’elle renvoit à des sujets importants comme le chômage, la rénovation urbaine, la laïcité.

Elodie Corvée  • 9 février 2012 abonné·es

Illustration - Un terrain glissant

On est loin des émeutes de 2005, qui avaient placé les quartiers populaires sur le devant de la scène, jusqu’à la présidentielle de 2007. Un quinquennat plus tard, les candidats répètent à l’envi les mots « crise » et « finance ». La banlieue a disparu des discours, du moins comme thème de campagne pour 2012. Mais elle n’a pas pour autant déserté les programmes, où elle apparaît par le biais d’autres sujets. Signe d’intégration ou de méfiance ?

François Hollande entend créer 150 000 emplois d’avenir « pour faciliter l’insertion des jeunes dans l’emploi et l’action des associations, en priorité dans les quartiers populaires » . Jean-Luc Mélenchon, François Hollande, Eva Joly et François Bayrou ont signé « le contrat social pour une nouvelle politique de logement »  de la Fondation Abbé-Pierre le 1er février. Ce texte préconise notamment la construction massive de logements sociaux pour favoriser la mixité sociale et répondre au phénomène de relégation dont souffrent les banlieues. L’UMP mise sur la rénovation urbaine : Maurice Leroy, ministre de la Ville, est censé faire des propositions pour lancer l’acte II de la loi Borloo. Et Valérie Pécresse, ministre du Budget, a défendu, dans le cadre de son « Labo des idées », le Grand Paris comme projet présidentiel censé « raccorder toutes les banlieues à la capitale, dépasser cette barrière artificielle qui s’appelle le périphérique » .

Chaque candidat se veut enfin garant de la laïcité, principe républicain par excellence qui touche de près certaines banlieues dont les populations sont à forte composante musulmane. François Hollande propose d’inscrire dans la Constitution les deux premiers articles de la loi de 1905 relative à la laïcité, et Eva Joly souhaite ouvrir les fêtes religieuses fériées à l’Aïd-el-Kébir et Yom Kippour.

Les banlieues étant majoritairement abstentionnistes, les candidats savent qu’ils ont intérêt à y chercher des voix. Mais le sujet les intéresse peu : le colloque organisé par le Sénat et l’Institut Montaigne le 2 février sur le thème « Banlieue : quelles propositions pour demain ? » a déplacé des élus déjà impliqués. Ce fut aussi une occasion de confronter les « spécialistes banlieues » qui ont rejoint les différentes équipes de campagne. Chez François Hollande, Razzy Hammadi est responsable de « la politique de la ville et des quartiers difficiles » , Kamel Chibli d’organiser avec le sénateur PS de Savoie Thierry Repentin le « Grenelle des quartiers populaires » que le candidat PS organise début mars, et Claude Dilain, sénateur PS, ancien maire de Clichy-Sous-Bois qui était dans l’équipe Aubry, a rejoint les troupes. Côté UMP, c’est Salima Saa, présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) et secrétaire nationale du parti qui s’occupe des « espaces urbains ». Le juriste Eros Sana, membre de la Zone d’écologie populaire (ZEP), est en charge du secteur « égalité territoriale et politique de la ville » pour Eva Joly.

« Banlieue : il n’y a qu’un seul candidat qui en parle ! » , prétend le candidat Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires de France. Qui propose un service civique obligatoire, la modification de la dotation de l’État aux collectivités locales et du système de zones franches en ZUS (zones urbaines sensibles) ainsi que la fin de la suppression d’un fonctionnaire sur deux dans ces zones. Sur la sécurité, le grand thème connexe de 2007, tout le monde fait plutôt profil bas. L’islam et la laïcité sont passés devant.

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