À contre-courant / C’est à EUX de payer LEUR dette !

Jean Gadrey  • 1 mars 2012 abonné·es

Les délibérations des collectifs d’audit citoyen des dettes publiques aboutissent tous à cette conclusion : la dette a gonflé de façon en partie illégitime, c’est-à-dire ne correspondant pas à l’intérêt général. C’est un « piège » dont les dominants n’avaient pas prévu toutes les conséquences, y compris pour leur sacro-saint système, un piège qu’ils s’efforcent aujourd’hui de refermer sur les peuples, ce qui aggravera encore la crise.

Il y a débat. Certains mettent plutôt en avant la mécanique des taux d’intérêts imposés par des marchés à qui l’on a confié le privilège exorbitant de prêter aux États européens. D’autres insistent sur la « politique de la caisse vide » : la réduction délibérée, via les niches et les cadeaux fiscaux, des recettes de l’État. Elles représentaient 22 % du PIB dans la première moitié des années 1980, 20 % dans les années 1990, 16 à 17 % au cours des trois dernières années.
Il s’agit en réalité des deux faces d’une même médaille : l’excès de pouvoir et de richesse d’une petite minorité de rentiers, spéculateurs, grands actionnaires et financiers. Ce sont eux qui ont impulsé aussi bien la politique de la caisse vide que la soumission des États aux marchés. Le déversement de richesses de leur côté relève de quatre mécanismes.

D’abord, la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises au bénéfice des profits et surtout des profits distribués (non réinvestis), dont les principaux sont les dividendes versés aux actionnaires. Les profits nets distribués en 2010 par les sociétés non financières et financières se montent à environ 100 milliards d’euros, 5 % du PIB.

Ensuite, la multiplication des niches fiscales et sociales (réductions de cotisations patronales) depuis 2000. La plupart sont des cadeaux aux riches et aux entreprises, et ont nourri spéculation et dividendes. Les pertes de recettes publiques sont d’au moins 100 milliards d’euros par an, selon des rapports officiels. On peut mentionner à ce titre l’ISF, qui est pour l’instant une passoire à gros trous, alors que la France est championne d’Europe du nombre des millionnaires : 2,6 millions en 2011.

Puis les « fuites » illégales : fraude aux cotisations patronales (15 milliards), fraude fiscale (40 à 50 milliards par an), dont fait partie l’évasion vers les paradis fiscaux.
Enfin, les plus riches ont bénéficié du privilège réservant à la finance le crédit aux États. Ils ont donc touché le pactole des charges d’intérêt.

Les montants de recettes potentielles qui viennent d’être cités ne peuvent pas être additionnés, car certains se recoupent. Mais trouver, dès 2012, 80 à 100 milliards de recettes publiques supplémentaires, sans invoquer la croissance, sans surtaxer 90 % des gens, en réservant des déficits futurs raisonnables aux investissements de la transition écologique et sociale, n’est pas un problème économique. C’est une question de rapport de force.
Dans le cas de la France, la meilleure façon pour le peuple de « faire partiellement défaut » est de LEUR faire payer le surplus de dette qui peut LEUR être imputé : par la fiscalité, par une banque centrale prêtant directement aux États, par la socialisation de la monnaie.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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