Terre de liens, l’association pionnière

Cette société foncière, lancée en 2008, a déclenché l’engouement du public pour la sauvegarde du patrimoine agricole.

Patrick Piro  • 22 mars 2012 abonné·es

Initiative citoyenne pionnière dans le monde et connaissant un succès exceptionnel auprès du public, Terre de liens est né en réponse aux impasses foncières de l’agriculture : les jeunes agriculteurs ne parviennent pas à s’installer, faute de terres – trop chères, captées par des exploitations qui veulent s’agrandir, grignotées par le bétonnage…

En 2008, la foncière Terre de liens lance une collecte d’actions d’un montant de 100 euros, destinées à l’acquisition de fermes. Début mars 2012, alors qu’elle obtient un quatrième visa annuel d’émission par l’Autorité des marchés financiers, la foncière affichait un capital de 25,5 millions d’euros, détenu à 95 % par environ 7 000 particuliers !

Ceux-ci bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu, qui, de 25 %, est passée en 2010 à 18 % du montant placé. Avantage fiscal qui saute dès que Terre de liens a collecté 2,5 millions d’euros au cours des douze mois précédents. « Ce qui a réduit l’attractivité de cet investissement et démenti en 2011, la croissance exponentielle de la collecte » , constate Philippe Cacciabue, président de la foncière. « Nous manquons encore de recul pour mesurer l’ampleur de la tendance, mais 80 % de nos souscripteurs semblent assez insensibles à ces modifications. Leur motivation première est d’ordre militante » , commente Majda Bouchanine, chargée de communication.

La foncière trouve quelques vertus à ce ralentissement : « Le rythme était difficilement soutenable !   », selon Philippe Cacciabue. L’acquisition de fermes est un travail de longue haleine, fréquemment entravé par des complications juridiques et humaines, mené par un réseau de bénévoles – quelque 400 personnes engagées dans les vingt antennes régionales de Terre de liens, qui parvient à salarier une quarantaine de personnes.

Aujourd’hui, la foncière possède 64 fermes et près de 1 900 hectares, réunissant près de 130 emplois ; 25 autres exploitations sont en cours d’achat. Acteur singulier du monde agricole où la propriété de la terre est sacro-sainte, Terre de liens met son patrimoine en location. Elle a obtenu de pouvoir faire signer aux fermiers des baux ruraux environnementaux (BRE)[^2], qui stipulent certaines clauses d’exploitation visant à limiter les pesticides, à conserver les haies, à améliorer la gestion de l’eau… « Nous proposons le BRE le mieux-disant en chaque occasion, en négociant toutefois sa rédaction avec le fermier que nous installons, et en fonction des caractéristiques de la terre » , explique Philippe Cacciabue.

L’agriculture biologique n’est pas une obligation, mais Terre de liens, qui propose alors un accompagnement aux fermiers, constate qu’elle a été systématiquement adoptée jusque-là, à deux exceptions près. « Nous voulons démontrer qu’il est possible d’exercer autrement notre responsabilité collective envers la terre, ce bien commun de l’humanité » , précise Philippe Cacciabue. Terre de liens a été récompensée en novembre dernier par le prix le Monde-Finansol de la finance solidaire.

[^2]: Via la loi Grenelle 2, grâce à une démarche commune avec la Fédération des parcs naturels régionaux, les conservatoires régionaux des espaces naturels et la Fondation de France.

Publié dans le dossier
Le retour du peuple
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