La beauté de la Reine

Le groupe Kel Assouf, à Bruxelles, apporte une voix
originale sur la scène des nouvelles musiques touarègues.

Jacques Vincent  • 5 avril 2012 abonné·es

«Nous sommes Kel Assouf, nous sommes de Bruxelles » , annonce Aboubacar Harouna, le leader de Kel Assouf, lors de son premier concert parisien, début mars, quelques jours après la sortie de ce premier album.
Si le groupe s’est formé et demeure ancré à Bruxelles, ses membres viennent tous d’ailleurs : Niger, Algérie, Mali, Mauritanie, Ghana, Togo et France, et c’est bien la culture touarègue qui constitue l’âme de ses chansons, chantées en tamasheq.

Kel Assouf chante le désert et les pauvres qui l’habitent, les parents restés au pays, les anciens et leur héritage à préserver, plus largement le peuple touareg, sa langue et sa culture. Avec l’espoir qu’il saura s’unifier pour créer une force capable d’imposer ses revendications aux différents États dans lesquels il vit.

C’est la signification du titre de ce disque, Tin Hinane, « la Reine touarègue » , figure légendaire qui aurait fondé le peuple touareg en ayant « su unifier ceux du Mali, du Niger et du Hoggar » . À l’image d’Aboubacar Harouna, qui vit en Belgique depuis 2005, après avoir participé à la rébellion de 1990 et être passé par la Libye, les chansons évoquent la vie de ceux partis vivre loin de leur pays et des leurs.

Si on retrouve dans son parcours certaines constantes de l’histoire des groupes phares de la nouvelle musique touareg, à commencer évidemment par Tinariwen, Kel Assouf s’en distingue par sa musique. Contrairement à ce que peut laisser penser la pochette, la guitare électrique, symbole de cette musique depuis l’avènement de Tinariwen, n’est pas centrale ici. Il s’agit d’une musique plutôt acoustique, qui trouve sa saveur et sa personnalité grâce à la flûte traversière jouée par la belle Esinam Dogbatse, qu’elle réussit à faire parfois sonner comme un instrument plus ancestral renvoyant, par un écho lointain, aux mélopées anciennes nées dans ces terres désertiques.

Bao Sissoko prête aussi sa kora sur deux titres, apportant un peu d’Afrique noire, et on trouve une inspiration reggae sur un troisième. La diversité d’origines des membres de Kel Assouf se retrouve dans ses compositions, et les amateurs de musique touarègue apprécieront cet album d’une grande beauté qui, tout en se situant dans la lignée du genre, sait magnifiquement trouver une voix singulière.

Musique
Temps de lecture : 2 minutes