Tchernobyl et son mythique sarcophage 26 ans après la catastrophe

Bouygues et Vinci peinent à tenir leurs promesses et réclament régulièrement de nouveaux financements pour une tâche pharaonique qui illustre parfaitement les dangers à long terme d’un accident nucléaire.

Claude-Marie Vadrot  • 27 avril 2012
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Tchernobyl et son mythique sarcophage 26 ans après la catastrophe
© Photos : Claude-Marie Vadrot. Une : Afp / Sergei Supinsky

Profitant de la commémoration du 26ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, trop de confrères à la mémoire chancelante ou besogneux recopieurs de dossiers de presse (seules sources d’information) diffusés par Bouygues et Vinci, viennent d’annoncer la construction du nouveau sarcophage destiné à protéger tant bien que mal le réacteur explosé. Ce qui revient à oublier que le contrat de construction a été présenté le 26 avril 2006 dans les locaux de l’ambassade de France à Kiev. Les deux entreprises se vantaient d’avoir emporté le marché, face aux propositions d’un consortium américain et basaient leur communication, appuyés par l’ambassadeur français, sur la coïncidence entre ce « succès » et le vingtième anniversaire de la catastrophe.

La décontamination des camions de Novarka, le consortium qui construit le nouveau sarcophage

Mais, comme tous les intermédiaires ukrainiens n’avaient pas encore été correctement « rémunérés », a-t-on alors discrètement confié aux journalistes, le vrai contrat n’a en fait été signé qu’en septembre 2007 à Slavutich, la ville nouvelle où vivent ceux qui viennent quotidiennement pas le train travailler dans la centrale et dans le village voisin. Il flotte autour de ce contrat et du projet une fabuleuse atmosphère de corruptions. Qu’il ait fallu rémunérer des intermédiaires français, ukrainiens et russe –voire européens- et passer par des entreprises ukrainiennes dont il faut arroser les responsables, explique en partie que le coût soit progressivement passé de 500 millions d’euros à 700 millions, puis à 930 et enfin à un milliard et demi qui sera supporté par des pays européens et la BERD, la banque européenne pour la reconstruction et le développement. Ce n’est sans doute pas la dernière « revalorisation » d’un projet dont l’achèvement était initialement prévu pour l’été 2012 et dont les plus optimistes estiment qu’il serait peut-être terminé à la fin de la décennie. Si tout se passe comme prévu, ce qui n’a encore jamais été le cas.

Mais les re-ajustements de financement et les nombreuses malfaçons des sociétés ukrainiennes sous-traitantes ne sont pas les seuls responsables du retard. Curieusement, les entreprises et Novarka, le consortium réunissant Bouygues et Vinci, n’avaient pas anticipé que la zone de construction du Sarcophage, à quelques centaines de mètres du réacteur accidenté, restait fortement radioactive. Il a fallu, à la fois, faire prendre des risques importants aux ouvriers et techniciens, décontaminer un espace de 12 hectares puis installer une immense dalle de béton d’une quarantaine de centimètres d’épaisseur sous le chantier, ce qui a pris prés de deux ans. Un délai qui a permis de déblayer plusieurs dizaines de milliers de tonnes de terre et de ferrailles fortement contaminées ; sans que l’on sache où ils ont été entreposés puisque les visites du chantier sont interdites aux journalistes et aux observateurs par Novarka depuis plus de deux ans…

Une isba abandonnée prés de la centrale

Le nouveau sarcophage, dont l’assemblage va parait-il commencer prochainement sera constitué de 23 000 tonnes d’acier acheminées par quelques milliers de camions. Il s’agit de mettre en place une arche de 105 mètres de hauteur sur une longueur de 150 mètres et d’une portée de 260 mètres. Ensuite, si tout se passe comme annoncé, une fois assemblé à 250 mètres du réacteur accidenté, cet ensemble devra lentement, centimètre par centimètre, glisser sur des rails, poussé par des vérins hydrauliques, pour recouvrir le vieux sarcophage. Sans qu’il soit permis de savoir comment cette construction, « garantie » pour une centaine d’années résistera à la corrosion de la radioactivité.

Un immeuble abandonné dans la ville évacuée de Pripiat

Restera ensuite à déblayer les dizaines de milliers de tonnes de matériaux radioactifs et le coeur explosé toujours en fusion lente. Cette dangereuse, longue et polluante opération sera de la responsabilité du gouvernement ukrainien qui n’a pas le moindre financement à consacrer à cette évacuation et n’a prévu aucun site pour entreposer les débris du réacteur, du sarcophage et le béton sous bassement de béton installés peu après l’accident par des ouvriers dont beaucoup sont morts après leur exposition aux émanations du réacteur en fusion.

La longue aventure des sarcophages ukrainiens illustre les difficultés à venir des Japonais qui ne parviennent pas à envisager le futur des réacteurs explosés de Fukushima dont la radioactivité continue à polluer la zone évacuée et d’autres départements du pays…

L'auteur devant le vieux sarcophage qui relâche de plus en plus de radioactivité

Écologie
Temps de lecture : 4 minutes
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