À contre-courant / La justice fiscale, enjeu du quinquennat

Vincent Drezet  • 24 mai 2012 abonné·es

Taxation des hauts revenus et des grands groupes, niches fiscales, régime d’imposition des non-résidents, rapprochement de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG), quotient familial… Incontestablement, la fiscalité aura été l’un des principaux thèmes de la campagne électorale, et ce d’autant plus que le débat fiscal a été mené sur fond de crise. Si l’on en juge par les propositions de François Hollande, désormais élu, et par l’élaboration de la prochaine Loi de finances rectificative, qui devrait être présentée au Parlement cet été, la fiscalité restera un sujet majeur avec deux grands enjeux : le rendement budgétaire et la justice fiscale. Les principaux chantiers fiscaux sont européens et nationaux.

Au plan européen, c’est le traité dit « fiscal » qui fait débat. Bien mal nommé, ce traité ne porte pas sur des dispositions fiscales proprement dites, mais contraint les États signataires à maintenir leur déficit en deçà de 0,5 % du produit intérieur brut. Un vrai traité fiscal reste à créer. Il pourrait s’engager sur la voie de l’harmonisation fiscale. En matière d’impôt sur les sociétés, la directive portant sur l’assiette commune consolidée, adoptée en avril par le Parlement européen, pourrait ainsi être améliorée en étant obligatoire et en instaurant un taux minimum afin d’en finir avec la concurrence fiscale. Un traité pourrait également élargir la portée de la directive « épargne » et rendre effectif l’échange d’informations afin de combattre l’évasion fiscale. Il pourrait enfin prévoir la création d’impôts européens, à commencer par une taxe sur les transactions financières. De tout cela, il n’est pour l’heure pas question, mais on ne peut qu’espérer que la France soit porteuse d’une telle orientation.

Au plan national, sont pour l’heure annoncés la suppression de la hausse de la TVA (intervenue dans le cadre de la « TVA sociale »), la baisse du plafonnement du quotient familial (de 2 336 à 2 000 euros), un abaissement significatif du plafonnement des niches fiscales et la création de deux tranches supplémentaires à l’IR, à 45 % (au-delà de 150 000 euros) et à 75 % (au-delà de 1 million d’euros). Une réforme profonde pourrait être lancée autour de la fusion de l’IR et de la CSG. Cette opération n’est pas simple : au-delà des difficultés techniques non négligeables touchant au rapprochement des assiettes de ces deux prélèvements, une telle opération modifie le circuit de financement de la Sécurité sociale, déjà partiellement « fiscalisé ». Elle présenterait certes l’avantage de disposer d’un prélèvement qui, selon l’architecture retenue, pourrait dégager un meilleur rendement et être plus progressif que le système actuel. Elle présenterait aussi le risque de voir le produit d’un prélèvement unique affecté au budget de l’État servir à la réduction des déficits plutôt qu’au financement des besoins sociaux. Un simple rapprochement des deux prélèvements éviterait cet écueil. Une chose est sûre, après des années d’allégements coûteux bénéficiant aux plus aisés, c’est sur la question de la justice fiscale que seront analysés les choix gouvernementaux.

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