À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 17 mai 2012
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Le Festival de Cannes serait-il sexiste ? C’est en substance ce qu’affirme le groupe d’action féministe la Barbe, dont le message a été relayé dans le Monde du 12 mai par Fanny Cottençon, Virginie Despentes et Coline Serreau, auteures d’une tribune dont l’intitulé ne manque pas d’efficacité : « À Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes leurs films. » Ce qui déclenche leur courroux : le fait que, dans la sélection officielle, en compétition, figurent vingt-deux films réalisés par vingt-deux hommes.

Le fait est incontestable. Il n’empêche que cette soudaine levée de boucliers ne laisse pas d’interroger. Première question : où étaient les féministes en 2010 et en 2005 – pour ne pas remonter à Mathusalem – alors qu’en compétition officielle la situation ces années-là était la même ? Aucune voix ne s’était manifestée.

Deuxième question : pourquoi ne pas accuser dans le même élan le festival de racisme, lui qui ne fait quasiment jamais figurer en compétition de films issus d’Afrique subsaharienne ?

On saisit ainsi la limite de telles attaques, qui ciblent le reflet plutôt que la réalité. Respectueux de sa « politique éditoriale », faite d’exigence artistique, de fidélité à de grands auteurs et d’un minimum de glamour, le festival est aussi dépendant de la production mondiale. Il faut être aveugle pour ne pas constater que les femmes sont largement minoritaires parmi les cinéastes du monde entier. La France figure sur ce point une heureuse exception, où les réalisatrices sont désormais légion.

Les féministes seraient mieux inspirées, au lieu de calquer leurs indignations sur le calendrier médiatique, de se pencher sur les raisons de cette masculinisation à outrance et de dénoncer, le cas échéant, les inégales conditions d’accès aux formations cinématographiques et de production. Ce serait plus utile, mais autrement plus difficile.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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