Apprendre à désobéir

Pauline Graulle  • 17 mai 2012 abonné·es

Que faire ?

Dire « stop » quand votre boss veut vous donner encore plus de boulot, refuser de payer quand le médecin vous facture des dépassements d’honoraires, dire « non » au blouson vert qui vous tend un journal gratuit à la sortie du métro, taguer – discrètement – les affiches de pub… Il s’agit de profiter des occasions de la vie quotidienne où le fait de désobéir (ou, au moins, de dire non) est bénin tant pour votre casier judiciaire que pour votre morale.

Le plus simple est encore de rejoindre un de ces groupes de désobéissants non-violents qui ont fleuri sous l’ère sarkozyste. Dans le monde du travail, citons les instituteurs entrés en « résistance pédagogique » contre les réformes Darcos, les Robins des bois, ces salariés d’EDF qui rebranchent l’électricité aux familles victimes de coupures, ou les agents de La Poste ou de Pôle emploi qui ont refusé de suivre les ordres de leur hiérarchie leur intimant de dénoncer les sans-papiers. On peut aussi s’associer au Réseau éducation sans frontières (RESF) pour refuser les expulsions des écoliers sans papiers, occuper une place avec les Indignés, ou partir à l’assaut d’un immeuble vide avec les squatteurs de Jeudi noir – frissons garantis ! Le site Internet des Désobéissants regroupe un certain nombre d’actions et propose des stages de formation à la désobéissance civile, à l’action directe non-violente ou au « clown-activisme ».

Pourquoi ?

La désobéissance, c’est comme un muscle : plus on la fait fonctionner, plus elle sera alerte quand il faudra s’en servir. Le psychologue américain Stanley Milgram a fait la démonstration de sa nécessité avec une expérience célèbre sur la soumission à l’autorité, réalisée au début des années1960. Un faux scientifique demandait à des sujets volontaires – mais ne connaissant pas le déroulement de l’expérience – d’administrer des décharges électriques (fausses) de plus en plus fortes à des individus (fictifs) sous un motif anodin. Plus des deux tiers des cobayes ont accepté, sans la moindre menace physique, d’infliger des électrochocs de 450 volts, le maximum, à leur (pseudo) victime ! Le conformisme, la pression du groupe, la déresponsabilisation sont en grande partie responsables de cette soumission volontaire à l’autorité – n’importe laquelle, du moment qu’elle apparaît comme « légitime ».

Cette expérience emblématique et d’autres similaires ont aussi montré que les personnes qui avaient refusé l’ordre sont celles qui avaient déjà été confrontées à des situations ayant exigé une résistance. Preuve qu’il s’agit bien d’un apprentissage. On sait donc ce qu’il nous reste à faire pour tenter d’anéantir le pleutre soumis qui loge en chacun de nous !

Comment ?

Désobéir : le Petit manuel, Xavier Renou, éd. Le Passager clandestin, 9 euros.

www.desobeir.net ;

http://resistancepedagogique.org ;

www.jeudi-noir.org ;

www.educationsansfrontieres.org

Le geste utile
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