Le cri d’alarme de Salah Hamouri

Le jeune Franco-Palestinien, détenu sept ans en Israël, tente d’alerter les autorités françaises sur le sort des prisonniers palestiniens, dont certains suivent une grève de la faim depuis plus de deux mois.

Denis Sieffert  • 17 mai 2012 abonné·es

Quand il évoque le sort des prisonniers politiques palestiniens, Salah Hamouri sait de quoi il parle. Le jeune homme, longiligne, visage émacié, sort de sept ans de détention dans les prisons israéliennes. Libéré en décembre dernier parmi les Palestiniens échangés avec le soldat franco-­israélien Gilad Shalit, il a tout connu : les accusations sans preuves, l’interminable détention préventive, la condamnation par un tribunal militaire, le chantage aux aveux, la mise au secret, les privations de livres et de journaux, les fouilles répétées, la suppression du sel qui permet de retenir l’eau dans des organismes déshydratés, les mises à l’amende au moindre prétexte. Il a vécu ce que vivent aujourd’hui encore près de 5 000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes. Le non-droit absolu.

De passage à Paris, Salah Hamouri tente d’alerter une opinion mal informée : « Depuis le 17 avril, près de 2 000 prisonniers font la grève de la faim. » Une grève pour obtenir les droits reconnus par toutes les conventions internationales aux prisonniers politiques. Il est particulièrement inquiet pour deux d’entre eux, Bilal Diab et Thaer Halahleh. « Ils ont atteint 76 jours, et un troisième, Hassan Safadi, en est à plus de 60 jours. » Mais, lundi, une bonne nouvelle est arrivée. Israël a dû céder aux trois principales revendications des prisonniers : levée de la détention illimitée sans jugement, fin de l’isolement carcéral et droit de visite pour les prisonniers originaires de Gaza. « Une victoire de la résistance non-violente », a commenté une dirigeante de l’OLP, Hanane Achraoui. Cela, malgré le silence de l’Union européenne et de la France. Salah attendait ces jours-ci la formation du nouveau gouvernement, et la nomination du successeur d’Alain Juppé au Quai d’Orsay. Car le combat continue. « Il y a 400 malades parmi les Palestiniens dans les prisons israéliennes, rappelle-t-il, et il y a aussi 160 détenus qui ont moins de 16 ans. Certains sont là depuis plus de vingt-cinq ans. »

Le monde entier semble indifférent à leur sort. Seule l’Irlande se mobilise. Et pour cause. Tous les Irlandais, du Nord sous occupation anglaise, comme du Sud, indépendant, ont en mémoire le sacrifice de Bobby Sand et de ses neuf compagnons de lutte, que Margaret Thatcher a laissés mourir dans leur prison en 1981. Sand est mort au bout de 66 jours…

Une femme tente aussi de sensibiliser l’opinion française :Janan Makhloul. Son mari, Ameer, a été emprisonné en 2010, condamné à neuf ans de prison après des aveux extorqués sous la torture. Mais ce militant des droits de l’homme ne peut avoir accès au dossier de l’accusation. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques du non-droit israélien à l’encontre des Palestiniens : même son avocat ne peut connaître les « preuves secrètes » dont disposerait Israël. Janan Makhoul est de Haïfa, au nord d’Israël. Une « Palestinienne de 1948 », comme on dit pour désigner ceux qui sont restés après la création de l’État hébreu.

Janan souligne que les prisonniers palestiniens de nationalité israélienne sont coupés des organisations internationales. « Israël, dit-elle, considère qu’ils relèvent des affaires intérieures du pays. Ils ne peuvent pas non plus bénéficier des échanges de prisonniers. »

Salah Hamouri et Janan Makhoul soulignent la différence de traitement entre détenus juifs et palestiniens. « L’extrémiste juif Igal Amir, qui a assassiné le Premier ministre israélien Itzhak Rabin en 1995, a pu se marier en prison, et il a eu un enfant, quand les prisonniers palestiniens sont interdits de visite, ou ne peuvent voir leur famille qu’au travers d’une vitre. »

Ils citent l’exemple de Walid Dakka, vingt-six ans de prison, à qui on interdit de recevoir sa femme pour des raisons de « sécurité ». « Igal Amir, lui, dispose d’un ordinateur, note un ami qui accompagne Salah Hamouri en France, alors que les Palestiniens ne peuvent avoir ni livres ni journaux. » « Ce qui est intolérable, insiste Salah Hamouri, c’est le silence de la France et des institutions européennes, comme si Israël pouvait tout se permettre. »

Le jeune homme, qui est aussi venu remercier ceux qui l’ont soutenu pendant sa détention, va bientôt reprendre ses études à l’université de Bir Zeit, près de Ramallah, après une trop longue interruption. « Je vais passer de la sociologie au droit », dit-il. Le droit, une discipline si nécessaire dans ce combat.

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