Nuit balkanique

Un spectacle pour penser les blessures de l’Europe méridionale.

Gilles Costaz  • 10 mai 2012 abonné·es

Le théâtre, encore peu connu, de Sedef Ecer, jeune auteure d’origine turque et d’expression française, est hanté par les poudrières laissées par les grands conflits du passé dans l’Europe méridionale. Sa pièce, les Descendants, se passe dans un pays imaginaire, dont on sent tout de suite la réalité concrète.
Descendants de qui ? De leur culture, de leur ethnie, de leur famille, mais aussi de la guerre ou du massacre qui a bouleversé l’histoire de leurs ancêtres : des tragédies qui ressemblent au génocide des Arméniens, aux épurations entreprises par les potentats des Balkans…

La trame utilise trois époques à travers lesquelles se succèdent trois générations de femmes. La première subit une répression sanglante, la deuxième tente d’accéder à l’expression publique, celle d’aujourd’hui essaie d’élucider l’histoire pour vivre une relation nouvelle.

Telle est la pièce de Sedef Ecer, mais tel n’est pas tout à fait le spectacle que propose une association de compagnies européennes au théâtre de l’Aquarium. Sous la direction du metteur en scène Bruno Freyssinet et du documentariste Serge Avédikian, huit acteurs de différentes nationalités ont travaillé collectivement sur le texte, en s’inspirant de leurs vies et de leurs déplacements.

La première version a été donnée à Erevan, en Arménie, l’an dernier. Toute une mutation a eu lieu, et l’on n’est plus tout à fait en présence d’une œuvre de poète, mais dans une réinterprétation, qui passe d’ailleurs par plusieurs langues : l’allemand, l’arménien, le turc, l’anglais et le français.
La scène est un demi-cercle nu, au bord duquel se déplacent et s’inscrivent des éléments suggestifs : coupe d’un observatoire d’astrophysique, fragment d’un palais, découvertes archéologiques.

Scènes de violence politique et scènes de fraternité alternent, comme dans un aller et retour entre la violence du passé et la société équitable en construction à présent. Le spectacle manque de clarté dans son récit et dans sa technique (les surtitres sont peu lisibles, faute de moyens techniques sans doute). Mais la belle présence des interprètes et cette sensation de nuit balkanique qui s’éclaire tout à coup portent haut l’idée de réconciliation qui est au cœur de la soirée.

Culture
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