Ce que disent les nouveaux rapports « cachés » de l’Éducation nationale

Le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon, a publié le 6 juin une nouvelle série de 21 rapports des inspections générales « cachés » par son prédécesseur. Et pour cause…

Erwan Manac'h  • 8 juin 2012
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Ce que disent les nouveaux rapports « cachés » de l’Éducation nationale
© Photo : AFP / Lionel Bonaventure

Les 17 rapports de l’année 2011 étaient publics depuis le 25 mai sur le site du ministère de l’Éducation nationale. Vincent Peillon, ministre fraîchement nommé, a prolongé son opération « transparence », mercredi 6 juin, en publiant les 21 autres rapports remontant jusqu’en 2007. Sans surprise, la politique de ses prédécesseurs fait l’objet de nombreuses réserves des inspecteurs, notamment sur des points déjà critiqués par le corps enseignant. La plupart des rapports, dans des domaines pourtant assez éloignés, en appellent aussi à une «  réflexion approfondie » sur le système éducatif et les choix pédagogiques.  

Extraits de ces nouvelles publications sur trois dossiers sensibles du dernier quinquennat.  

La « fatigue » des enseignants-stagiaires tout juste diplômés

L’instauration d’une année de stage en guise de formation des enseignants s’est faite dans la douleur. C’est ce qu’un rapport daté de novembre 2010 confirme, appelant « un bilan approfondi » de la réforme contestée. Le rapport pointe les « conditions d’accompagnement et d’exercice » des lauréats des concours de l’enseignement dans leurs premiers pas, en particulier dans le second degré. Et ce, à l’aune de « la fatigue (…) très importante (…) déjà accumulée à trois mois de la rentrée par les professeurs stagiaires » et la « réelle charge d’inquiétude » constatée chez les jeunes enseignants .  

Les deux auteurs du rapport regrettent aussi que les « stages en responsabilité » restent difficiles à mettre en place pour les étudiants en master, qui se dirigent vers l’enseignement. En raison notamment des réticences des enseignants titulaires et de la priorité donnée aux jeunes enseignants.  

« Des situations réellement difficiles auxquelles [les jeunes enseignants] font face avec un engagement remarquable », se satisfait enfin le rapport. 

Repenser l’aide aux élèves en grande difficulté 

Sur le dossier de l’aide individualisée, mise en place par Xavier Darcos pour pallier notamment la suppression de 8 000 postes dans les Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), un rapport d’octobre 2010 dessine un « bilan mitigé ». Les auteurs du texte

-Ce que disent les rapports cachés (première vague). (tf1.fr)

mettent le doigt sur un manque de formation, en particulier sur le terrain de la « grande difficulté ». Ils constatent surtout l’abandon de la « pédagogie différenciée » dans la classe au profit d’un accompagnement spécifique et complémentaire pour les élèves en difficulté en dehors des heures de classe. Selon leur rapport, ce choix politique ne tient pas ses promesses : «  Si l’on veut réformer les pratiques pédagogiques, c’est bien le cœur de la classe qu’il faut viser. » Le rapport insiste là encore, sur « la grande difficulté » qui doit faire l’objet « d’une prise en charge précoce, continue, au sein de dispositifs qui leur soient réservés, mais surtout au sein de la classe entière ».  

Les boursiers en classes prépa : peut mieux faire 

Les efforts mis en place par la droite pour ouvrir les Classes préparatoires pour les grandes écoles (CPGE) aux étudiants boursiers se sont traduits, selon un rapport de juillet 2010, par une hausse statistique même si «  l’objectif fixé par le Président de la République [de 30% d’étudiants boursiers] n’est pas encore atteint » . « L’augmentation du nombre de boursiers est liée essentiellement à la création de l’échelon à taux zéro, font surtout remarquer les auteurs du rapport. Le pourcentage d’élèves aux taux 5 et 6 reste toujours extrêmement faible. »

Les inspecteurs concluent toutefois sur une réussite, « hétérogène » mais réelle par endroits, des premières impulsions du programme. «  Certaines académies ont d’ores et déjà relevé le défi de l’ouverture sociale », grâce au volontarisme, lui aussi variable, des écoles.

Le rapport rappelle en revanche « le poids des déterminismes sociaux » dans les choix d’orientation . D’autant que les mentalités doivent encore évoluer selon les auteurs : « la logique des classements des lycées, fondés sur des critères contestables, est l’un des freins les plus puissants à l’évolution des pratiques pédagogiques. »

Réforme de l’enseignement professionnel : à suivre 

« La rénovation sera pédagogique ou ne sera pas », indiquait deux inspecteurs de l’éducation nationale dans une note sur la réforme de l’enseignement professionnel, en janvier 2010. Un an après la « rénovation » du bac professionnel, qui passe de 2 à 3 ans en 2009 en se fondant avec le BEP, ils décrivent « une situation qui pourrait paraître inquiétante », la jugeant toutefois temporaire et « compréhensible » . La réforme, « induit un changement radical des processus décisionnels au niveau académique et des établissements, qui doit permettre d’organiser autrement les enseignements et les parcours des élèves. »  

En février 2011, dans le 5ème rapport sur l’enseignement professionnel rédigé en 4 ans, les deux mêmes auteurs notent une relative amélioration. Ils témoignent en revanche de « tensions au niveau local (…), dans les décisions d’orientation et d’ajustement des parcours, entre les deux objectifs nationaux d’élévation du niveau de qualification et de réduction des sorties sans qualification. »

Société
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