« La petite Venise », d’Andrea Segre : Une Chinoise à Venise

Une fiction autour de l’exil et de la mélancolie.

Christophe Kantcheff  • 14 juin 2012 abonné·es

Un petit café dans la banlieue de Venise, fréquenté par ses habitués, des pêcheurs pas loin de la retraite. Derrière le bar, une immigrée chinoise, Shun Li (interprétée par la comédienne fétiche de Jia Zhang Ke, Zhao Tao), figure frêle et incongrue dans cet environnement. Elle bredouille quelques mots d’italien et ne connaît pas le boulot de barmaid, elle qui jusqu’ici travaillait dans une usine de confection à Rome.

Elle a été envoyée là par la filière clandestine chinoise, à qui elle doit rembourser le prix fort de son voyage vers l’Occident avant de pouvoir retrouver son jeune fils, non autorisé à suivre sa mère. Andrea Segre, auteur de nombreux documentaires, raconte comment l’altérité radicale de cette chinoise exilée est adoucie par les rapports qui s’instaurent avec les clients du bar, notamment un vieux pêcheur, Bepi (Rade Sherbedgia), lui-même d’origine étrangère, ce qui le rend d’autant plus sensible à Shun Li.

Leur tendre relation est traitée par le cinéaste avec délicatesse et devient l’enjeu quasi unique du film, ce qui en fait aussi sa limite. Reste qu’il émane de la Petite Venise un doux parfum de mélancolie, à l’instar du brouillard sur les lagunes qui retarde le jaillissement des soleils d’hiver. Et de fragilité contemporaine, le film dessinant la trace d’un lien entre Shun Li, extirpée de son monde lointain, et le milieu des pêcheurs vénitiens en voie de disparition.

Cinéma
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