Législatives : quelques surprises à l’arrivée…
Royal et Bayrou battus, Maréchal-Le Pen et Carlotti élues… Retour sur les résultats des « points chauds » des législatives qui ont réservé quelques surprises.
- Philippe Kémel est élu in extremis (50,11 %) avec une centaine de voix d’avance sur Marine Le Pen dans la circonscription d’Hénin-Carvin dans Pas-de-Calais. La campagne de premier et deuxième tour, très offensive, de Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, pour le candidat PS dans le cadre du front républicain (Verts, Modem, Front de gauche et PS) a été saluée par l’élu socialiste : « En venant ici, dans le bassin minier, Jean-Luc Mélenchon a fait le travail de rassemblement. C’est grâce au rassemblement des républicains que nous avons gagné ce soir. »
Mauvaise perdante, Marine Le Pen a demandé le recomptage voix par voix du vote. Tout sourires, celle qui s’est dite « seule contre tous » a dénoncé cette « injustice » : « Lorsqu’avec près de 20 % (sic) des voix, le Front national n’aura pas plus de deux députés à l’Assemblée. » « La recomposition de la vie politique est en marche » , a-t-elle ajouté dans une claire allusion à l’extrême droitisation d’une partie de l’UMP.
– Ségolène Royal est battue par le candidat de gauche dissident Olivier Falorni . Fait inédit, la perdante est apparue avant 20 h, à 19 h 50, pour dévoiler les résultats, aux côtés de Maxime Bono, député-maire de La Rochelle. Ce dernier a dit sa « honte » de la victoire de « la droite (sic) à 58 % » : « C’est la première victoire de la droite depuis 1993 dans cette ville. Ségolène la belle et rebelle aura toujours sa place, ici, à La Rochelle. » La mine défaite, Royal a enchaîné : « Ce soir, c’est un député de droite qui est élu » – Falorni a été élu avec 75 % des voix venant de la droite. Elle a évoqué un résultat de « trahison politique » et cité Victor Hugo : « Toujours la trahison trahit le traître. »
Peu après 20 h, Olivier Falorni, visiblement heureux, a fait part de son « émotion très forte » : « Au-delà de cette victoire, c’est la victoire de la démocratie » , a-t-il martelé. Interrogé sur l’accusation de « trahison », il a estimé que « cela salit le débat politique » : « Quand le suffrage universel s’est exprimé, il faut retrouver un peu de dignité dans le débat public. » Ajoutant : « Je soutiendrai la politique de François Hollande […] comme tous les députés socialistes. » Sur le plateau de France 2, Martine Aubry n’a « pas souhait(é) [lui] répondre » . Le torchon n’a pas fini de brûler entre le PS et le dissident.
– Nathalie Chabanne , candidate socialiste, l’a emporté sur François Bayrou , qui vit l’une des plus cuisantes défaites de sa carrière dans son fief des Pyrénées-Atlantique (2e circonscription). L’ancien président du MoDem était pris en sandwich dans une triangulaire entre la gauche et la droite. Il a évoqué so(m)brement qu’il allait « prendre le recul qui s’impose » .
– Marion Le Pen-Maréchal , 22 ans, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, étudiante en droit à Paris-Assas, est élue députée Front national dans la 3e circonscription du Vaucluse avec plus de 42 %. Le maintien de la candidate Catherine Arkilovitch (22 %), qui ne s’est pas retirée, malgré la consigne de Martine Aubry, a joué en sa faveur. « Ce qui me surprend, c’est que l’UMP, et le PS, et le PC ont manifesté leur solidarité contre le peuple français » , a pourtant déclaré Jean-Marie Le Pen, venu soutenir sa petite-fille à Carpentras. Celle-ci s’est exprimée, scolaire, lisant ses notes, mais rigolarde et envoyant des clins d’œil. S’autoproclamant « la porte-parole de cette jeunesse française » , elle a rappelé que le FN a en ligne de mire les municipales de Carpentras. À quelques kilomètres de là, le maire d’Orange, Jacques Bompard, de la Ligue du Sud, a été élu avec près de 60 % des suffrages, ce qui laisse présager, à terme, une alliance au niveau local de ces deux partis d’extrême droite.
– Gilbert Collard est élu dans la 2e circonscription du Gard, malgré le maintien de l’UMP Étienne Mourrut et de la socialiste Katy Guyot dans une triangulaire. Celui qui n’a pas officiellement sa carte au Front national a adressé ses « remerciements » aux électeurs du rassemblement Bleu Marine et de l’UMP. « Nous sommes deux seulement [élus FN à l’Assemblée] *, mais nous y sommes, au nom de la République, au nom de la démocratie. »* Regrettant la défaite de Marine Le Pen, il a toutefois applaudi « son résultat magnifique » . « Je compte travailler à une vraie pédagogie auprès des communautés issues de l’immigration : je leur dis, il y a du respect, en retour, ne crachez pas sur moi […] . J’aurai une mission de casse-couilles démocratique » , a déclaré Collard, pour qui cette élection est « le plus beau jour de [sa] vie » .
– Jack Lang est battu dans les Vosges. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, avait pourtant évoqué son nom pour le perchoir de l’Assemblée nationale.
- Patrick Braouezec , membre de la Fase et candidat du Front de Gauche dans la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis, perd son duel face au candidat socialiste Mathieu Hanotin, élu à 53,5% (lire notre article Braouezec fait de la résistance).
– Nadine Morano est battue à Toul. La dragueuse du Front national, qui trouve Marine Le Pen pleine de « talent », a reconnu sa défaite en rappelant pourtant : « Je fais partie de ces élus qui aiment la politique du résultat. » « Ce que je regrette le plus, c’est les coups tordus […] du militant socialiste [sic] Gérald Dahan » , qui l’avait piégée il y a quelques jours dans un canular téléphonique.
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Marie-Arlette Carlotti , ministre déléguée en charge des personnes handicapées, a été élue avec 51,8 % des voix à Marseille. Elle signe la défaite du favori, Renaud Muselier, dans la deuxième ville de France. La gauche a réussi à envoyer 10 candidats du département au palais Bourbon (dont Olivier Ferrand, fondateur de Terra Nova, élu à Salon-de-Provence, Michel Vauzelle à Arles…), contre 4 en 2007. La totalité des membres du gouvernement ont été élus lors de ces législatives, il n’y aura donc aucun remaniement ministériel.
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Claude Guéant , battu dans les Hauts-de-Seine, du fait d’un candidat de droite dissident qui s’est maintenu dans une triangulaire. « Ce n’est pas Claude Guéant qui a perdu, c’est le dissident de l’UMP qui l’a emporté […]. Je suis triste pour Claude Guéant, qui est un grand serviteur de l’État » , s’est ému Brice Hortefeux, son prédécesseur au ministère de l’Intérieur.
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