Quel avenir pour RFI ?

Le sort de la station, qui refuse toujours la fusion avec AEF, est suspendu à un moratoire jusqu’au 5 juillet. Interview de Catherine Rolland, déléguée SNJ-CGT.

Jean-Claude Renard  • 21 juin 2012 abonné·es

Imposée par Nicolas Sarkozy, la fusion de Radio France International avec l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), contre l’avis des salariés, et qui a provoqué plusieurs semaines de grève cet hiver, demeure le dossier le plus délicat du gouvernement dans le domaine des médias. Entretien avec Catherine Rolland, déléguée SNJ-CGT.

Durant sa campagne, François Hollande s’est prononcé contre la fusion. Quelle est la situation actuelle ?

Catherine Rolland : Un moratoire a été décrété jusqu’au 5 juillet, avec une lettre de mission confiée à Jean-Paul Cluzel. Sur le terrain, le moratoire est à peine respecté par Alain de Pouzilhac. Ainsi, il a recruté Éric Cremer, chargé de la distribution internationale de France 24 et de RFI auprès des opérateurs radio, câble et satellite. Pendant que nous subissons un plan social, on recrute malgré tout une personne issue du groupe TF1, sans doute à prix d’or. Parallèlement, on construit un studio, et tout le mobilier du service restauration a été acheté et acheminé vers les nouveaux bâtiments, sans même passer devant le comité d’hygiène. Les soirées électorales des législatives se sont déroulées depuis les locaux de France 24, y compris la radio, avec un son télé de 22 h à 23 h. En somme, la fusion se poursuit à marche forcée.

Le déménagement de RFI à Issy-les-Moulineaux, au sein de France 24, prévu pour début juin, a été reporté. Qu’en est-il ?

Il y a actuellement 85 personnes à Issy-les-Moulineaux : la direction des ressources humaines, la communication, le service des études et des affaires internationales. Des personnes déplacées avant la mise en place du moratoire. Aujourd’hui, les directeurs font savoir aux différents services que le moratoire ne concerne pas les déménagements et déclinent un calendrier pour l’été, avec des dates fantaisistes, alors que les gens vont partir en vacances.

Quel regard portez-vous sur l’arrivée de Jean-Paul Cluzel ?

Nous avons beaucoup de respect pour lui, qui nous a dirigés de 1996 à 2004, quand RFI était en plein développement. Mais nous sommes méfiants car il s’est exprimé pour la fusion. Il auditionne maintenant les partenaires sociaux et la direction pour livrer un énième rapport aux ministres de tutelle, le 22 juin.

Cette mission n’est-elle pas un recul par rapport à la promesse de François Hollande ?

On espère qu’elle ne sera pas le premier coup de canif à la parole donnée, et même écrite, puisque François Hollande a apposé sa signature au bas d’un document, en l’occurrence la pétition lancée contre la fusion. D’autres élus socialistes se sont exprimés contre ce projet mortifère qui ne fait que vampiriser RFI au profit d’une télévision qui, dans tous les cas, avec ses petits moyens, ne pourra pas se développer. Mais Alain de Pouzilhac mène une politique de la terre brûlée, sachant que son mandat expire en février 2013. Son temps est compté, et il entend tout casser, avec des humiliations et un mépris pour les salariés, une direction qui laisse fuiter de fausses informations et casse du sucre sur le dos de ses journalistes. Un ensemble qui crée un malaise profond depuis quatre ans. La confiance entre salariés et direction est rompue, et rien n’est entrepris pour la rétablir.

Quelles sont les perspectives ?

Les tutelles vont devoir se déterminer d’ici au 5 juillet, mais aucun calendrier n’a été donné. Nous avons prouvé à la direction qu’il est possible de revenir en arrière. Nous forcer à déménager coûtera cher, entre aménagements, réfections et réparations, car c’est un immeuble de bureaux qui n’est pas prévu pour l’audiovisuel. Les conditions de travail y sont déjà épouvantables pour les employés de France 24, qui s’y trouvent à l’étroit. Ici, nous bénéficions des services de sécurité et de restauration de Radio France. En participant aux financements, nous payons un loyer qui revient à l’État. Dans le cadre de cette fusion, il faudra s’acquitter d’un loyer auprès d’un bailleur privé. Cela représente un coût énorme. Nous attendons donc beaucoup du gouvernement. Nous avons confiance, mais ce n’est pas parce que la gauche est passée que nous allons nous aplatir. Ils se sont engagés : Aurélie Filipetti, Jean-Marc Ayrault, Pascal Canfin, tous ont signé la pétition contre la fusion. On espère ne pas être trahis.

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