Rio+20 : un sommet sans espoir

La conférence planétaire du développement durable s’annonce décevante, incapable de mettre en place une gouvernance mondiale.

Patrick Piro  • 14 juin 2012 abonné·es

Rompue à la diplomatie institutionnelle, Laurence Tubiana n’est pas du genre à attiser le pessimisme. Mais, à quelques jours de l’ouverture du sommet Rio+20 des Nations unies, la directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) n’a guère d’apparences à sauver. « Personne n’y croit », « perspective sombre », « préparation chaotique » … La semaine dernière, à peine 10 % du contenu de la déclaration finale en préparation avait été validé.

Rio+20, c’est l’un des rendez-vous décennaux dans la ville brésilienne pour faire le point des avancées à la suite du Sommet de la Terre historique qui s’y est tenu en 1992. Il y a vingt ans, les alarmes écologiques devenaient une préoccupation majeure. Jamais autant de chefs d’État n’avaient répondu à l’appel, et trois grandes conventions avaient été lancées : préservation du climat, des forêts et de la biodiversité. Les environnementalistes et les organisations de solidarité internationale y tenaient un Forum global, une première également dans leur histoire : on y critiquait sévèrement la mollesse des engagements des gouvernements. Dogmatisme face au satisfecit officiel ? La réalité a magistralement donné raison à la société civile. Le rapport Geo 5 du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), qui vient de paraître, dresse un constat d’échec dramatique. Atmosphère, océans, eaux douces, terre, biodiversité, déchets et pollutions chimiques… À quelques rares exceptions près, tous les voyants sont désormais au rouge.

La société civile planétaire organise sur l’esplanade de Flamengo à Rio, du 15 au 23 juin, un Sommet des peuples où sont attendus près de 20 000 militants ^2.

Plus de 600 activités sont inscrites au programme, organisées selon trois axes : dénonciation de la crise écologique et sociale, solutions pratiques et renforcement des mouvements sociaux. Sur le premier point, les mouvements sociaux accusent Rio+20 d’escamoter vingt ans d’échec du développement durable pour éluder la critique du modèle économique mondial.

Des alternatives crédibles existent (agroécologie, économie solidaire, etc.), mais elles pèchent par manque de visibilité, explique le Sommet des peuples, qui veut se montrer capable de formuler un projet crédible pour la mutation de la société. Une déclaration finale est en préparation.

« Les changements que l’on observe actuellement dans le système terrestre sont sans précédent dans l’histoire de l’humanité. […] Ni l’ampleur ni le rythme de ceux-ci n’ont diminué au cours des cinq dernières années ^2. » Malgré l’aggravation de la crise, « nous serions aujourd’hui dans l’incapacité d’obtenir le moindre des résultats de Rio 1992 ! », soupire Lucien Chabason, conseiller auprès de l’Iddri. Après le sommet sur le climat à Copenhague en 2009 (entre autres), Rio, sur un ordre du jour encore plus vaste, s’apprête à confirmer l’incapacité des Nations unies à produire des solutions à la crise planétaire [^3].

La transition vers l’économie « verte » [^4] sera à l’ordre du jour, mais aucun engagement n’est à attendre (à la satisfaction des altermondialistes). « Énorme gaffe politique, ce projet est apparu comme la prescription d’une Union européenne en quête d’antidotes à son marasme, selon Laurence Tubiana. On voit se reconstituer contre cette idée le front des pays du Sud, dans une opposition à l’ancienne guère encourageante. » Autre grand chantier : la création d’une « Organisation mondiale de l’environnement », qui ferait pièce à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais il est peu probable que ce progrès de la gouvernance planétaire voie le jour à Rio : l’UE y est favorable, mais les opposants (dont les États-Unis, le Canada et la Russie) auront probablement gain de cause, braqués contre un organe qui serait doté de capacités d’intervention. À ce jour, l’échelon onusien le plus élevé dans le domaine de l’environnement est le Pnue, simple « programme »…

Sur le fond ? La Colombie a proposé que le sommet adopte des « objectifs du développement durable » – ce qui n’a jamais été fait ! L’idée paraît de bon aloi pour cette rencontre au souffle très court. Mais, là encore, elle a de bonnes chances d’être plombée. Les nations sont parvenues à un tel degré de défiance que Rio+20 se contentera d’enclencher un « processus »… La difficulté : ces objectifs auraient une portée « universelle », s’imposant aussi bien aux pays industrialisés qu’à ceux du Sud. Jusque-là, seuls ces derniers étaient visés par les Objectifs du millénaire pour le développement adoptés en 2000 et focalisés sur l’élimination de la pauvreté d’ici à 2015. Depuis longtemps hors d’atteinte.

[^3]: Très peu de chefs d’État occidentaux sont annoncés. François Hollande sera présent avec son ministre du Développement, Pascal Canfin.

[^4]: Voir Politis n° 1205

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes