PS : La tentation du verrouillage

L’alliance conclue entre Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault en vue du congrès du Parti socialiste de Toulouse, fin octobre, privilégie l’unité des socialistes au détriment de l’expression de leur diversité.

Michel Soudais  • 19 juillet 2012 abonné·es

Après les victoires électorales, le congrès ! Le conseil national du Parti socialiste, réuni mercredi 18 juillet, a lancé l’acte I du congrès prévu fin octobre à Toulouse. Celui-ci commence traditionnellement par le dépôt de « contributions générales ». C’est l’occasion pour chaque sensibilité de faire valoir son point de vue et de se compter au moyen des signatures recueillies sur ces textes auprès des cadres du parti, des élus et des militants. À l’issue des débats dans les sections sur ces textes, les contributions se fondent ensuite dans des « motions » (acte II) qui, soumises au vote des adhérents, définissent la ligne politique et le partage des postes au sein de la direction.

Ce rituel, qui permet d’ordinaire trois à quatre mois de débats intenses dans le parti, sera cette année réduit à la portion congrue. En raison d’un calendrier serré qui, d’ici au dépôt des motions, le 12 septembre, ne permettra pas d’organiser dans toutes les sections un débat sur les contributions. En raison surtout de la volonté des premiers dirigeants socialistes de privilégier l’image d’un parti rassemblé derrière François Hollande et le gouvernement. Le PS a déjà connu pareille situation en 1981 quand, après l’élection de François Mitterrand en mai, une seule motion avait été présentée par Lionel Jospin, alors Premier secrétaire, au congrès de Valence fin octobre. Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault ont radicalisé cette logique unanimiste en annonçant, le 10 juillet, la présentation d’une contribution commune, soutenue « de façon exclusive » par les dirigeants du parti et les ministres, alors que les statuts du PS autorisent la signature de plusieurs contributions.

Du point de vue de Solferino et de Matignon, ce verrouillage se justifie par la nécessité de marquer l’osmose entre le parti et l’exécutif. « C’est le choix de la cohérence, explique le député PS Olivier Faure, très proche de Jean-Marc Ayrault et du chef de l’État, et ex-collaborateur de la maire de Lille. Comment pourrait-on imaginer que chaque ministre dépose sa propre contribution alors qu’ils sont ensemble au gouvernement ? » Il contente également Jean-Marc Ayrault, qui « ne voulait pas que les ministres s’engagent sur des contributions qui auraient été interprétées comme des prises de distance », raconte un ministre au Figaro (13 juillet), et Martine Aubry, qui reste libre de décider si elle reste à la tête du PS et d’imposer son successeur, le cas échéant.
Cette volonté d’étouffer le débat rencontre toutefois des résistances dans plusieurs courants du PS.

« Le meilleur soutien que puisse apporter le PS au gouvernement, à moyen et long terme, est de permettre le débat avec tous les militants, et au-delà avec tous les citoyens qui le souhaitent », proteste Gaëtan Gorce. Estimant justifiée la démarche de Mme Aubry et M. Ayrault « pour les membres du gouvernement », le sénateur de la Nièvre, qui ambitionne de diriger le parti en ticket avec la conseillère municipale de Paris Juliette Méadel, devait déposer sa contribution, « Changer le PS, c’est aider le changement ». Si Vincent Peillon, ministre et animateur du courant « l’Espoir à gauche », hésite à présenter la sienne, un collectif de jeunes strauss-kahniens réunis par Maxime des Gayets a déjà présenté leur texte, « Dépasser nos frontières ».

À la gauche du PS, outre les traditionnelles contributions d’Utopia, « Socialistes, altermondialistes, écologistes ! », et de Gérard Filoche, « Pour réussir le changement, redistribuer les richesses », deux textes ont été déposés. L’un au nom du courant « Un monde d’avance » conduit par Benoît Hamon, désormais ministre, et Henri Emmanuelli, l’autre par Marie-Noëlle Lienemann. Sur l’Europe, la contribution de cette dernière, « Le temps de la gauche », soutenue par des signataires qui n’avaient pas fait les mêmes choix au congrès de Reims ou lors des primaires, refuse de « voter le TSCG en l’état », plaide « pour une véritable renégociation » et réclame qu’on donne « la parole au peuple ». Or s’il est un débat que personne ne veut rouvrir dans les hautes sphères socialistes, c’est bien celui-là.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes