Une méditation pour l’été

Sébastien Fontenelle  • 26 juillet 2012 abonné·es

D’après les Nations unies, il faudrait que la communauté internationale mobilise, dans les trois prochaines années, 24 milliards de dollars (qui font, au taux de change actuel, 19,7 milliards d’euros) pour endiguer enfin la pandémie de sida dans « les pays à revenus faible ou intermédiaire », où moins de la moitié seulement des personnes infectées par le VIH – soit environ huit millions d’individus, au lieu des quinze millions de malades qui devraient être secouru(e)s – reçoivent actuellement des traitements antiviraux.

On lit ça, on se dit que 24 milliards de dollars, pour la communauté internationale, c’est vraiment pas beaucoup du tout : c’est même pas l’équivalent, dans ton budget, de ce que tu consacres chaque mois à l’achat de tes pâtes. Ça devrait donc pas être terriblement compliqué de réunir cette somme en, disons, douze minutes, grand maximum. Et ça serait bien de se hâter un peu, parce que le truc a quand même fait, depuis trente ans, trente millions de morts – essentiellement des pauvres, comme de juste.

Pourtant : il manque toujours, pour arriver au résultat qu’escompte l’ONU, 7,2 milliards de dollars. À titre purement comparatif, on peut alors se remémorer que le coût financier, pour les États-Unis, de la dernière sale guerre d’Irak – en 2003 – fut, selon la version officielle yankee, de 770 milliards de dollars. (Mais qu’elle a, d’après de nombreux observateurs, probablement coûté, en réalité, plus de 3 000 milliards de dollars.)

Ou, dans le même ordre d’idées, que le maintien de troupes françaises en Afghanistan nous a, pour la seule année 2011, grevé le budget hexagonal (sans que jamais personne ne nous demande si nous n’aurions pas de très loin préféré que tout cet argent – le nôtre – soit affecté à de plus judicieux placements) de 470 millions d’euros. (Pour se faire une idée du prix de revient global de la war on terror françousque entamée à Kaboul en 2001, il convient donc de multiplier cette somme par dix : je te laisse faire le calcul, personnellement j’ai pas envie de trop m’énerver, merci.)

Mais on peut aussi se rappeler qu’en 2008 le gouvernement des United States of America a débloqué en quelques heures, pour secourir les intègres banquiers qui avaient précipité le pays dans la crise, la bagatelle de 700 milliards de dollars – soit, tout de même, cent fois le montant de l’aumône que les Nations unies espèrent réunir dans les trois prochaines années pour sauver, plutôt qu’une poignée de pansues crapules, des millions d’Africain(e)s.

Et que l’État français – qui a versé depuis dix ans 2,2 milliards d’euros au Fonds mondial de lutte contre le sida – avait alors trouvé, de son côté, 40 milliards d’euros pour la recapitalisation des banques, dont il avait de surcroît (et très gentiment) garanti les opérations pour 320 milliards d’euros, merci qui ? Profite donc de l’été pour méditer sur l’infinie joliesse de ce monde – et reviens-nous, je te prie, avec, intacte, l’envie de le changer.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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