France télés : « C’est la fin du pluralisme »

Le président de France Télévisions a annoncé le prochain regroupement des rédactions de France 2 et de France 3. Les syndicats craignent une réduction des effectifs au détriment de France 3, et l’uniformisation de l’info.

Jean-Claude Renard  • 20 septembre 2012 abonné·es

L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Après sa conférence de rentrée sur les programmes et ses interventions dans les médias autour du déficit budgétaire du groupe public, Rémy Pflimlin a surpris en déclarant ouvert le chantier du regroupement des rédactions de France 2 et France 3. Si ce projet est un serpent de mer en immersion depuis quelques années, il ne tombe pas aujourd’hui par hasard. Réaction de Joy Banerjee, journaliste reporter à France 3 et délégué du personnel CGT.

Quels sont les risques de ce regroupement des rédactions à France Télévisions ?

Joy Banerjee : C’est d’abord la fin d’une certaine façon de faire notre métier de journaliste à la télévision. Cette fusion s’annonce comme une « new factory ». Au lieu de travailler pour un public identifié, le projet consistera, à terme, à remplir des tuyaux. Le danger de la rédaction unique est de n’avoir qu’un seul point de vue. Cela remet en cause le pluralisme de l’information au sein de France Télévisions. C’est une mise au pas des journalistes, la fin d’une certaine indépendance, avec un seul projet éditorial au lieu de plusieurs. C’est aussi un mauvais choix stratégique : il est dit que ce projet permettra de développer le numérique, l’information sur les tablettes. Il s’agirait de s’adapter aux nouvelles technologies. Or, la télévision publique a un rôle de lien social, avec pour mission d’offrir une qualité d’information. Vouloir réduire le périmètre et offrir des informations de flux, c’est renoncer à cette mission. C’est au ministère de la Culture de se prononcer sur ce sujet, sur l’offre et la diversité de l’information au sein de France Télévisions. D’autant que l’information sur le service public continue de faire de l’audience, ce sont plusieurs rendez-vous importants dans la journée.

La direction parle de regroupement plutôt que de fusion…

C’est une manière de faire passer son message auprès des salariés. Des salariés inquiets, exprimant une souffrance au travail dont on parle peu. La direction mesure donc ses propos. Le terme de « fusion » est connoté. Partout où il est prononcé, on sait très bien qu’il y a une dimension économique et qu’il s’accompagne de réduction d’effectifs. Ce qui sera le cas, avec des postes non remplacés, des départs négociés ou contraints, avec, à terme, une disparition des rédactions nationales. Même si la direction dit que ce « regroupement » est au service des éditions.

Pourquoi cette annonce aujourd’hui ?

Ce n’est pas un hasard. Elle arrive en pleine réflexion sur le budget de France Télévisions, en pleine période d’incertitude, alors que doit être renégocié le contrat d’objectifs et de moyens, comportant déjà un plan social de 5 %. On sait seulement qu’il y aura 55 millions d’euros de recettes publicitaires en moins que prévu à la fin de l’année, qui s’ajoutent à un désengagement de l’État de 20 millions. Ces perspectives à la baisse, avec cette fusion, signifient des économies de moyens.

Quelle est la réaction à France 2 ?

La société des journalistes de France 2 a déclaré ne pas être contre cette fusion. Mais il faut savoir qu’à France 2 la rédaction ne parle pas avec la même liberté de ton qu’à France 3. La chaîne a tout à gagner dans cette fusion, ce à quoi travaille Thierry Thuillier, directeur de l’information de France 2. Son seul objectif est de concurrencer TF1. S’il pouvait se débarrasser d’un 19/20 heures qui fait encore 20 % d’audience, France 2 pourrait capter ce public pour écraser TF1.

Quelles sont les perspectives ?

Au-delà des assemblées générales, nous comptons interpeller les ministres de tutelle et leurs cabinets. Il s’agit de connaître leur rôle et de savoir ce qu’ils pensent de cette fusion qui sonne la fin du pluralisme. C’est un projet prévu pour 2015, nous allons donc travailler à l’unité des rédactions comme à celle des syndicats. Si cela doit passer par un appel à la mobilisation, nous le ferons.

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