Où va le syndicalisme étudiant ?

La FSE et Sud étudiants doivent fusionner dans les semaines à venir alors que le syndicalisme étudiant, affaibli, doit faire face à des enjeux de plus en plus locaux. Analyse de Robi Morder, politiste.

Erwan Manac'h  • 28 septembre 2012
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Où va le syndicalisme étudiant ?
© À paraître en novembre aux éditions Sylleps dans la collection du Germe, « Les étudiants de France et la guerre d’Algérie ». Photo : AFP / Pierre Andrieu / Frank Perry

Bon gré mal gré, les deux principaux acteurs du syndicalisme étudiant « de lutte » se réunissent sous la même bannière. La Fédération syndicale étudiante (FSE) et Sud étudiant tiennent samedi 29 et dimanche 30 septembre à Paris un congrès de fusion. Les discussions doivent aboutir, d’ici à la fin de l’année, sur la fondation d’une nouvelle organisation commune.

Les difficultés à recruter et à « entretenir le rapport de forces » et l’ambition de « renforcer le syndicalisme de lutte » ont motivé cette fusion. Les organisations étudiantes doivent aussi faire face à la réforme des universités tandis que les pratiques militantes évoluent.

Robi Morder est président du Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants (Germe). Selon lui, les difficultés que traversent le syndicalisme étudiant ne sont pas nouvelles.

Politis.fr : La fusion de Sud étudiant et la FSE témoigne-t-elle d’un changement profond dans le paysage social étudiant ?

Non, cela ne modifiera pas en profondeur le paysage ni le rapport de forces. Ce sont deux organisations assez proches, inscrites dans une démarche de lutte. Il s’agit de rationaliser les forces avec les élections des représentants étudiants comme enjeu. Sud a davantage une préoccupation de l’institution que la FSE. Ce sont deux cultures syndicales qu’il faut mélanger.

Avec l’autonomie des universités, nous avons beaucoup moins de mouvements nationaux, car chaque université décline différemment les « cadres nationaux » de réformes. Les récents mouvements contre les réformes LMD (harmonisation européenne des cursus en 3, 5 et 8 ans) ou LRU (autonomie des universités) ont aussi été plus étalés dans le temps, car la mise en place de ces réformes était elle-même échelonnée. Le dernier grand mouvement national étudiant qui s’est levé en 2006 sur le « Contrat première embauche » concernait des questions du droit du travail.

C’est pour cette raison qu’un des enjeux pour les organisations étudiantes est de parvenir à se construire localement et d’accéder, avec une liste commune aux élections étudiantes, à des postes de représentation.

Bordeaux, novembre 2007, les étudiants dénoncent la réforme des universités (loi LRU) - AFP / Pierre Andrieu

Le syndicalisme étudiant est-il en crise ?

Non, la faible participation n’est pas un phénomène nouveau. C’est une constante depuis les années 1970.

Il faut voir que le monde étudiant, ce n’est pas l’entreprise, où les rapports entre employeurs et salariés sont durs. La nécessité de l’organisation collective chez les étudiants correspond à la recherche d’une identité collective. On est aussi face à un public étudiant qui considère qu’il n’a pas forcément besoin d’intermédiaires.

La participation aux élections étudiantes [qui ne dépasse pas les 8 % aux élections des Crous], varie aussi fortement selon les filières et la taille des unités. Elle est plus importante dans les petites unités ou dans les IUT, où il y a un fort enjeu de sociabilités. Elle augmente aussi dans les filières peu « classiques », comme les AES (Administration économique et sociale), qui doivent préserver leur identité.

Les faibles chiffres de participation ne sont pas un signe de dépolitisation, car les étudiants votent massivement aux élections politiques. Leur engagement prend aussi d’autres formes. On savait par exemple il y a quelques années que 50% des étudiants étaient membres d’associations[^2].

Le monde étudiant a aussi préfiguré ce qui allait se passer dans le mouvement salarié. Mai 1968 a accéléré un mouvement d’éclatement et de désyndicalisation. On a observé une distanciation du rapport entre la base et le syndicat et l’aspiration à l’auto-organisation.

La montée du pluralisme s’est accompagnée de l’émergence des coordinations dans les mouvements des années 1970. Il inaugure un autre type de modèle qui sera ensuite réintégré, au cours des années 1980, dans les stratégies syndicales. Car les étudiants de l’époque sont devenus salariés. Ils ont rejoint les coordinations d’infirmières, de postiers par exemple.

Comment travaillez-vous, en tant qu’historien, sur ces acteurs passagers du mouvement social ?

Le Germe[^3] travaille beaucoup sur les archives, ce qui n’est pas facile. Nous avons soutenu la création de la Cité des mémoires étudiantes, qui recueille et met en valeur des archives (papier, orales, coupures de presse, etc.) Les syndicats se préoccupent de leur mémoire comme un enjeu politique – avec parfois un écart entre le mythe et la réalité historique – mais ils s’occupent peu de leurs archives.

On mène aussi des enquêtes lors des congrès étudiants, avec les acteurs d’aujourd’hui, d’hier et des chercheurs, qu’on fait se confronter. Ça intéresse d’ailleurs beaucoup d’anciens militants d’être interrogés sur leurs pratiques, parce que lorsqu’on milite on a peu de recul.

[^2]: Selon les chiffres du Conseil national de la vie associative.

[^3]: Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants

Société Travail
Temps de lecture : 4 minutes
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