Cannabis : Le débat interdit

La polémique sur le cannabis est relancée mais le pays refuse la concertation.

Olivier Doubre  • 18 octobre 2012 abonné·es

Le débat sur la dépénalisation ou une éventuelle légalisation du cannabis a été relancé ces derniers jours. D’une part, la mise en examen d’une maire adjointe EELV du XIIIe arrondissement de Paris, Florence Lamblin, qui semble en fait avoir rapatrié – sans en informer le fisc français, faute grave s’il en est pour une élue de gauche – près de 400 000 euros d’un compte genevois (ouvert par un aïeul en 1920) via un réseau suisse utilisé aussi par de gros trafiquants de cannabis, a provoqué des attaques de la droite parisienne faisant l’amalgame avec les positions traditionnelles des Verts sur le cannabis. D’autre part, Vincent Peillon, dimanche 14 octobre sur France Inter, s’est prononcé en faveur de l’ouverture d’ « un débat » sur « la dépénalisation du cannabis », « étonné du côté un peu retardataire de la France sur un sujet […] d’ampleur »

Retard incontestable, la plupart des pays européens ont dépénalisé l’usage de cannabis (ou de toutes les drogues illicites pour certains), tout comme, ces dernières années, nombre de pays d’Amérique latine (Argentine, Colombie, Mexique, Brésil, etc.), première mesure d’une politique en pleine mutation au niveau international, face aux problèmes de violence et de corruption massive dues aux trafics de drogues. C’est aussi la première mesure requise par la Commission mondiale de l’ONU sur la politique des drogues, dirigée par Kofi Annan, où siègent d’anciens présidents latino-américains.

L’accusation de laxisme, classique depuis quarante   ans, n’a pas tardé à ressurgir à droite à l’encontre de Vincent Peillon et même chez certains socialistes, comme Manuel Valls, toujours prompt à poursuivre une guerre à la drogue qui semble pourtant avoir largement échoué. Quant au Premier ministre, il a rappelé sa nette opposition à toute dépénalisation, obligeant Vincent Peillon à avaler son chapeau (comme Cécile Duflot en juin dernier) et à qualifier sa sortie de « réflexion personnelle » (sic). Pour autant, si légitime que soit l’interrogation du ministre sur l’éventualité d’une légalisation – afin de retirer aux mafias ce marché juteux (d’un bénéfice, selon la police judiciaire, d’un milliard   d’euros par an) –, la France est liée par les conventions internationales qui la rendent impossible. Vincent Peillon aura au moins eu le mérite d’appeler à l’ouverture d’un débat. Un débat hautement nécessaire – et urgent –, vu la dégradation de la vie quotidienne des habitants de nombreux quartiers populaires en raison du trafic, et une répression qui peine à porter ses fruits, sinon vainement contre les consommateurs, dont seuls les plus précaires ou les malchanceux écopent de sanctions…

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