Mélenchon au son du canon

Le leader du Front de gauche a fait de la révolution sa marque de fabrique pendant la campagne présidentielle. Avec succès.

Pauline Graulle  • 25 octobre 2012 abonné·es

Nous sommes le 18 mars. La place de la Bastille fourmille de drapeaux rouges et de bonnets phrygiens. Cent mille sans-culottes battent le pavé pour changer de République. Sur l’air de « la Carmagnole », on entonne un « Dansons la “mélenchonne”  » pas piqué des vers… Perché sur une estrade, Jean-Luc Mélenchon prononce un discours autour de la devise « liberté, égalité, fraternité ». Une prise de la Bastille version XXIe siècle qui restera l’un des moments les plus marquants de la présidentielle 2012. Comme si, en ces temps de fin de règne du capitalisme, le folklore révolutionnaire n’avait pas pris une ride… La Révolution, nouvelle marotte du marketing politique ? Si le Front de gauche ne parle « que » de « révolution citoyenne », c’est lui qui a ravi au NPA ou à LO – pourtant seuls vrais partis révolutionnaires – la primeur des codes de 1789. Dans ses discours invariablement achevés par « la Marseillaise », Mélenchon le Jacobin, l’ancien trotskiste jadis connu sous le pseudo de « Santerre » (qui conduisit Louis XVI à la guillotine), réclame une Constituante et la fin des privilèges, confesse son admiration pour Saint-Just ou Robespierre. Trois jours avant le premier tour, celui que Laurence Parisot accuse d’être « l’héritier d’une forme de Terreur », « fait l’aveu » (sic) de ses lectures : «  Une biographie critique des rapports entre Danton et Robespierre »

Si l’intérêt du candidat est authentique, sa mise en scène ne doit rien au hasard. « Nous avons opté pour une communication de mouvement insurrectionnel plus que pour une communication de campagne présidentielle “post-Séguéla” dans l’idée de déghettoïser la candidature de Mélenchon », analyse Arnauld Champremier-Trigano, le dir’com de campagne. Outre la « Grande Révolution », les marches du Front populaire ou les meetings des dreyfusards sont aussi réactualisés. Derrière le slogan « place au peuple », claire référence aux Indignés, la stratégie des réseaux sociaux s’inspire des « révolutions 2.0 » les plus contemporaines, des révolutions arabes au mouvement Occupy Wall Street… Si l’insurrection est encore loin, ce mélange d’ancien et de nouveau aura permis à Mélenchon de tripler ses intentions de vote.

Publié dans le dossier
La Révolution : une idée neuve
Temps de lecture : 2 minutes