À contre-courant / « Résolument de gauche », disent-ils

Thomas Coutrot  • 15 novembre 2012 abonné·es

Suite au rapport Gallois, Jean-Marc Ayrault a sans doute conquis un nouvel Everest du mensonge politique : la nouvelle avalanche de cadeaux fiscaux offerts au patronat et payés par les consommateurs serait « résolument de gauche ». Car ces mesures sont pour l’emploi, et l’emploi, comme chacun sait, c’est de gauche ! Donc la baisse du coût du travail de 20 milliards d’euros, qui vient s’ajouter aux quelque 30 milliards d’euros d’exonérations sociales déjà en place, c’est de gauche. Louis Gallois n’en croit pas ses yeux : « C’est encore plus favorable que ce que je proposais », car les gains pour les entreprises seront nets d’impôts, alors que dans le projet Gallois elles auraient dû acquitter l’impôt sur les bénéfices supplémentaires que permettent les exonérations classiques de cotisations !

Et la hausse du taux normal de TVA de 19,6 à 20 %, ainsi que du taux intermédiaire de 7 à 10 %, soit 7 milliards d’euros prélevés sur les consommateurs, c’est évidemment de gauche. La baisse du taux réduit de 5,5 % à 5 % supposée bénéficier aux catégories populaires – une contrepartie dérisoire qui coûtera moins d’un milliard à l’État –, c’est la marque de la « justice sociale », de gauche bien sûr. À moins que des patrons distraits, comme les restaurateurs il y a quelques années, gardent dans leur poche l’essentiel de ce milliard en oubliant de baisser leurs prix.

Quant à la nouvelle réduction annoncée (10 milliards d’euros) des dépenses publiques, elle est naturellement de gauche puisque pratiquée au cours des dix dernières années par tous les partis socialistes qui ont gouverné en Europe (en Allemagne au début des années 2000, et récemment en Grèce, en Espagne et au Portugal). Tout comme, d’ailleurs, les nouvelles mesures pour faciliter les licenciements, qui seront annoncées début 2013 au nom de la « flexicurité » et de la compétitivité, et la nouvelle réforme des retraites, « systémique », qui monte dans les tuyaux des experts de gauche à Bercy. La gauche française au gouvernement brille « résolument » par son inventivité.

Mais, sans doute assourdi par les bruits de bottes à Notre-Dame-des-Landes, j’allais oublier la touche écologique ! Pour boucler le financement de son plan de gauche, Ayrault annonce une vague « fiscalité écologique », pour un montant mirifique de 3 milliards d’euros… en 2016 ! La France devrait pourtant décider de 20 milliards d’euros de prélèvements écologiques supplémentaires, afin de coller à la moyenne européenne…

Face à une gauche qui la copie aussi servilement, la droite jubile, hésitant entre apitoiement et hystérie. La seule chose qui pourrait changer la donne, de toute évidence, est la résistance des peuples qui s’affirme, en Europe du Sud aujourd’hui, demain en France et ailleurs. Car cette politique du gouvernement Hollande-Ayrault n’est pas seulement lâche et mensongère, elle est aussi stupide, et contribue à la dépression dans laquelle s’enfonce tout le continent.

Économie
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