Devant le siège de l’UMP, les militants « profondément choqués »

Une trentaine de militants issus du mouvement UMP « la Boîte à idées » se sont réunis ce jeudi soir devant le siège de l’UMP pour appeler à «l’unité». Dans la cohue, on a surtout vu une opération de communication.

Xavier Bonnehorgne  • 23 novembre 2012
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Devant le siège de l’UMP, les militants « profondément choqués »
© Photo : AFP / Miguel Medina

Pour couronner une journée chaotique à l’UMP, ce jeudi 22 novembre, il ne manquait qu’une manifestation de militants. C’est le mouvement la « Boîte à idées», dirigé par quatre trentenaires au discours bien huilé, qui prenait à la mi-journée l’initiative, en appelant à un rassemblement devant le siège du parti, pour exprimer son «ras-le-bol».

Une véritable opération de communication pour ce mouvement pro-Fillon soutenu par Alain Juppé, qui avait obtenu 9,2 % lors du vote des motions au Congrès de l’UMP le 18 novembre dernier. Au cœur du rassemblement, une majorité de jeunes venus ajouter leur grain de sel à l’interminable psychodrame politico-médiatique. L’occasion aussi de dénoncer l’absence de principes du camp Copé qui accepte l’intervention d’une commission de recours partiale, puisque composée de proches du maire de Meaux.

« Préserver l’unité du mouvement »

Déterminé, Enguerrand Delannoy, un des trentenaires leaders de la « Boîte à idées », des allures de De Villepin, enchaîne les interviews martelant son message de rassemblement de l’UMP : «  Le spectacle que nous donnons depuis cinq jours est vraiment lamentable. Il faut préserver l’unité du mouvement [et] sauver la France de la Gauche ».

Un message de bonne volonté qui rassure tant bien que mal la dizaine de militants quasiment en deuil, venus exprimer leur désarroi face à «  l’implosion de leur famille politique  ». Devant les caméras, la colère s’en ressent : «  stop  » entonne la plupart des responsables et autres jeunes interrogés. «  Les militants de terrain n’en peuvent plus de ces guerres internes qui n’intéressent personne », s’agace Delannoy, ancien conseiller parlementaire de Gilles Carrez puis de Laurent Wauquiez . Derrière, un homme d’une cinquantaine d’années, non militant et passant devant le siège de l’UMP crie au «  scandale  » montrant du doigt les jeunes cadres de la « Boîte à idées » et les interpellant : «  vous n’avez pas honte  » ?

Alain Juppé, « homme de la Nation »

Au cœur de ce rassemblement, les responsables de la « Boîte à Idées » ont bien du mal à cacher qu’ils sont aussi venus défendre l’ancien Premier ministre Alain Juppé, désigné, un peu plus tôt dans la journée, médiateur pour départager Copé et Fillon. Le maire de Bordeaux a apporté son soutien au mouvement tout comme Xavier Bertrand et Édouard Balladur.

Gêné par la question, Matthieu Schlesinger , un des dirigeants du mouvement, mais aussi responsable des Jeunes actifs de l’UMP du Loiret et ancienne « plume » de Gérard Larcher au ministère du Travail, tente de se montrer objectif tant bien que mal : «  Alain Juppé est la seule solution. Il n’est pas là pour en tirer le moindre profit. Maintenant qu’il est rentré dans le jeu. Laissons-le faire sereinement son travail ».

Le masque tombe un peu plus loin lorsque deux jeunes militants dressent un portrait élogieux du nouveau « sauveur » de l’UMP : « Juppé est un homme d’État, un homme de la Nation. Il est capable de mettre fin aux combats. » Une manière cachée de tacler le camp Copé et de se rassurer sur le sort de François Fillon, les parrains du mouvement étant pour la plupart des proches de l’ancien Premier ministre comme Benoist Apparu, Bruno Lemaire et l’actuel président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard.

Pagaille et dispersion

Sans avouer vouloir quitter leur parti, certains militants s’interrogent sur son avenir :  «  Je suis extrêmement déçu par ce qui se passe, mais la loyauté étant un devoir, je ne quitterais pas l’UMP, se persuade un jeune militant . Et ce dernier d’appeler à une recomposition : «  Une force centriste de droite ne pourrait pas faire de mal, si elle se rabat sur le parti pour les présidentielles ».

Au même moment, une quinzaine d’Ivoiriens pro-Gbagbo déboulent devant l’UMP et hurlent des slogans pour demander la libération de l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, actuellement détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI).

Pagaille dans les rangs des jeunes UMP de la « Boîte à idées » qui tentent de se montrer indifférents. Plus loin, la scène dégénère, les policiers repoussant sans ménagement les perturbateurs sur fond de cris « Gbagbo président ».

Devant le siège de l’UMP, un autre homme, dit « John-john », intervient et entame alors un discours surréaliste. Se présentant comme « le vrai président de l’UMP », il parle des « fédérations UMP extraterriennes » et conclut : « Vive la droite républicaine ». Devant tant de confusion, la plupart des militants se dispersent sans imaginer que ce vendredi, alors qu’Alain Juppé devait rendre ses conclusions et désigner un vainqueur dimanche, leur poulain François Fillon refuse d’accepter les conclusions émanant d’une Commission noyautée par des pro-Copé. De son côté, le maire de Meaux refuse que la composition de la commission des recours soit revue. Le blocage est total.

Politique
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