Lyon-Turin : lettre ouverte à François Hollande et Mario Monti

La coordination contre le projet ferroviaire Lyon-Turin, réunie le 3 décembre 2012 à Lyon, adresse un lettre ouverte aux Présidents français et italiens.

Politis  • 29 novembre 2012 abonné·es

« Messieurs les Présidents,

Vous avez certainement noté que depuis plusieurs dizaines d’années une opposition franco-italienne grandissante se bat avec ténacité contre un projet pharaonique et parfaitement inutile, le Lyon Turin que vous examinerez vraisemblablement lundi 3 décembre.

Les conditions actuelles de l’économie européenne en général, de la France et de l’Italie en particulier, devraient interdire des politiques d’augmentation des déficits publics, surtout pour des investissements ayant des retours négatifs comme le Lyon Turin. Ce point étant confirmé par la Cour des comptes française le 1er août.

Les promoteurs de ce projet au niveau gouvernemental, du BTP et quelques élus vous incitent à haute voix à ne pas douter.

Pressions de toutes sortes sont mises en oeuvre en l’Italie[^2], par exemple, et en ce qui concerne la galerie de reconnaissance de La Maddalena de Chiomonte, en occupant des terrains non prévus à l’origine et en continuant à travailler sur un chantier de construction sans projet d’exécution et donc en violation de la loi et avec la complicité du Procureur général près la Cour de Turin. Tout cela afin de convaincre l’Union européenne que l’Italie est activement engagée dans ce projet.

Par ailleurs, l’Union européenne examine avec difficulté le futur en terme de prévisions budgétaires et de stratégies de croissance, avec des décisions qui ne pourront intervenir que dans les prochains mois.

Les décisions de l’Europe appartiennent à tous les États membres, la France et l’Italie ne pourront pas assumer les financements sans connaître ceux de l’Union européenne prévue pour 2013 (nouvelle Réglementation TEN-T et CEF Connecting Europe Facility). Même le Président Barroso dirige la Commission européenne vers des prévisions et un budget plus conservateur, à la recherche d’équilibre et d’un plus grand consensus politique et social.

Nous croyons qu’une décision d’abandon, tenant compte que l’Accord de Turin du 29 janvier 2001 est aujourd’hui caduc à la lumière des dramatiques changements économiques, financiers et en matière de transport, est simplement une décision de bon sens, évitant toute sorte de pression.

Les courbes de trafic avec l’Europe sur l’axe Est-Ouest, entre la France et l’Italie, sont en baisse constante depuis des années, ils sont aujourd’hui inférieurs à ceux de 1988, parfaitement conforme au Grenelle de l’environnement 4 dont l’objectif est de revenir au niveau de 1990 !

L’abandon du projet ne signifie pas que vous avez maintenant embrassé les idées de la mesure contre ceux de la proportion qui appauvrit les peuples d’Europe et de détruire la planète.

Un sage changement de direction dans ce sens indiquera aux citoyens que vos gouvernements ont finalement décidé d’orienter la dépense publique vers les véritables priorités environnementales et sociales, sans augmentation de la dette publique pour les générations futures.

De nouvelles politiques en ce sens augmenteraient la possibilité de créer des centaines, voire des milliers de petits projets utiles, avec la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises qui ne menacent pas l’environnement, mais améliorent le bien-être des individus de nos pays.

Les raisons de l’opposition à ce projet sont connus, mais il vaut la peine de résumer brièvement:

  • Il existe entre la France et l’Italie une ligne de chemin de fer historique construite au XIXe siècle (comme la ligne Suisse ou les métros de Londres et de Paris). Elle a été constamment modernisée en France et en Italie, sans aucune subvention de l’Union européenne

  • Le volume des marchandises entre la France et l’Italie est en baisse constante depuis longtemps et bien avant la crise de 2008,

  • Ce passage ferroviaire (Tunnel du Montcenis / Fréjus) n’est utilisé qu’entre 12% et 20% de son potentiel

  • Les passagers entre les villes de Turin et Lyon sont une quantité négligeable au point que les gares de Lyon en ville ont été exclues de l’itinéraire en faveur de l’aéroport Saint-Exupéry qui est à 40 minutes,

  • Le percement de tunnels de dizaines de kilomètres de longueur (57 km seulement pour le tunnel de base) cause des dommages incalculables aux ressources en eau dans ces régions et d’autres risques géologiques restent inconnus et non maîtrisés,

  • L’implication réelle des populations concernées en Italie et en France a été totalement insuffisante par rapport aux règles fixées par la Convention d’Aarhus, qui est incorporée dans la législation italienne, française et européenne.

Vous remerciant de l’attention portée aux arguments contenus dans notre lettre, nous vous prions d’agréer, Messieurs les Présidents, l’expression de notre haute considération.»

Pour la Coordination contre le Projet Lyon-Turin Fret Voyageurs – France
Daniel Ibanez
per il Movimento No TAV – Italia
Paolo Prieri

[^2]: Le sujet agissant dans ce contexte est la société italo-française Lyon Turin Ferroviaire sas.