« Rengaine » de Rachid Djaïdani : Ne pas déranger

Avec Rengaine , Rachid Djaïdani signe un film ultra-consensuel.

Christophe Kantcheff  • 15 novembre 2012 abonné·es

« Sauvage ou illégal, le cinéma brûle en nous, et je lui dis je t’aime. » Rachid Djaïdani clôt sur ces mots enflammés un film qu’il a réalisé effectivement à l’arrache, sur plusieurs années, sans moyens. Rengaine participe de ces œuvres qui naissent dans la marge – comme l’an dernier Donoma, de Djinn Carrenard – avec, de la part de leurs réalisateurs, une autoproclamation forte des difficultés rencontrées pour parvenir à leurs fins. Mais Rengaine s’est trouvé légitimé avant même d’être vu par le public : Arte est finalement entré dans sa production, et il a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes. Il y a reçu le prix Fipresci, décerné par des critiques, et l’on pressent que l’accueil sera aussi chaleureux pour sa sortie en salles.

Il faut dire que Rengaine est un film « aubaine » : le soutenir revient à commettre une bonne action. Réalisé par un ancien gosse des cités, appartenant à ce qu’on nomme les « minorités ethniques » (Rachid Djaïdani a un père algérien et une mère soudanaise), Rengaine raconte l’histoire d’une Arabe, Sabrina, et d’un Noir, Dorcy, qui veulent se marier. Mais le frère aîné de la fille mobilise ses congénères contre cette union, tandis qu’il fréquente clandestinement une jeune femme juive. La situation sera sauvée par un autre grand frère, homosexuel…

Peut-on rêver scénario davantage soumis aux représentations dominantes ? Si Rachid Djaïdani, dans sa plus grande candeur, avait voulu se faire adouber par les instances centrales de la bonne société française, il ne s’y serait pas pris autrement. Le voilà dénonçant le contrôle et la persécution des filles arabes par leurs frères, le racisme arabo-musulman anti-noir (d’autant plus que Dorcy est catholique), celui, en retour, des Noirs contre les Arabes, ou l’homophobie des Arabes… Certes, Rengaine, annoncé comme un conte, affirme que les barrières entre Noirs, Arabes, juifs et homosexuels ne devraient pas exister. Mais que vient déranger un conte qui surfe sur les clichés négatifs ? Rien, dès lors, ne peut sauver ce Rengaine décidément trop roublard : ni sa fausse rugosité plastique ni sa dimension ethnographique quasi pittoresque. Il y a quelques années, Rachid Djaïdani avait réalisé un documentaire sous forme de journal intime qui ne cherchait pas à plaire à tout prix. Son titre : Sur ma ligne. Dommage qu’il n’ait pas continué à la suivre.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes