Selon que vous serez Fourest ou Bouteldja…

Sébastien Fontenelle  • 1 novembre 2012 abonné·es

Au mois de septembre dernier, rappelons-nous, des militant(e) s antifascistes et antiracistes ont gentiment chahuté, à la Fête de L’Huma, l’éditocrate Caroline Fourest – car ils trouvaient un peu gonflant que cette grande productrice de clichés anxiogènes sur les musulman(e)s y soit érigée en icône de la résistance à un parti – le Front national – qui ne se prive pas de piocher des fois des « arguments » islamophobes dans la baratte où elle bat son beurre médiatique.

Aussitôt, plusieurs penseurs de gros niveau ont dénoncé une odieuse atteinte à la liberté d’expression de Caroline F. Charb, taulier de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, a glapi, dans un éditorial où se voyait qu’il a été élevé sous Philippe Val, que les chahuteurs étaient des « fascistes », et un certain Arnauld Champremier-Trigano, qui fut le directeur de la communication de la campagne de Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle, s’est fendu de ce lumineux tweet : « Maintenant on sait où sont les fachos [^2]. »

Plus récemment, des militants d’un groupuscule néofasciste ont empêché la tenue à Toulouse d’un débat auquel devait prendre part, en marge du procès que lui intente une autre association d’extrême droite, Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des indigènes de la République (PIR). Puis elle a ensuite été agressée – à Paris, cette fois – par des militants de la Ligue de défense juive. Est-ce que MM. Charb et Champremier-Trigano s’en sont émus ? Est-ce que les ombrageux laïcistes du Parti de gauche, qui s’étaient fort offusqués – par le moyen d’un surréaliste communiqué – du chahut de septembre, s’en sont formalisés ? Pas le moins du monde : tous ces braves gens ont fermé leurs petites (ou moins petites) bouches à double tour.

Force est donc de constater que les mêmes vigilants défenseurs de « gauche » de « la liberté d’expression » qui se montrent si prompts à traiter de « fascistes » les irréprochables militant(e)s antifascistes et antiracistes qui protestent contre les tartuferies de l’éditocrate Caroline Fourest se tiennent absolument cois quand de véritables fachos s’en prennent à une représentante du PIR. Et ce n’est pas spécialement étonnant, car il est, à tout prendre, assez logique que les mêmes apprentis sorciers qui s’appliquent depuis des années à vider les mots de leur sens – et à braire notamment que les antifascistes sont des fascistes – ne soient plus capables de la moindre réaction lorsqu’ils se trouvent, pour de vrai, confrontés à l’extrême droite : plus mystérieuse est la surprenante tolérance qui permet à ces si sélectifs indignés de continuer à distribuer tous azimuts leurs bouffonnes leçons de maintien. 

[^2]: Ces propos n’étaient, de vrai, et par eux-mêmes, pas complètement neufs : cela fait plusieurs années qu’une bruyante clique de plumiteux réactionnaires va grognant des psalmodies orwelliennes d’où il ressort notamment que « les antiracistes » sont des « racistes ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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