Ma vie, mon mec, etc.

L’humour féminin, appuyé sur le quotidien, vaut souvent bien davantage que l’étiquette « sexy » qu’on lui accole.

Lena Bjurström  • 20 décembre 2012 abonné·es

Les femmes sont de plus en plus présentes sur la scène humoristique. Une bonne chose, assurément, tant elles ont fait les frais d’un humour machiste qui les caricaturait sans vergogne. On nous dit qu’elles remplissent les salles en parlant d’affaires de femmes. Mais qu’est-ce qu’une affaire de femmes ? Qu’est-ce qu’un humour féminin ? Mais si, vous savez : on y parle de mecs, de copines, de maternité et de sa dernière épilation. Enfin un humour qui parle aux femmes de sujets qui les concernent ! On aimerait contrer cette caricature, mais elles sont malheureusement nombreuses à vouloir grimper sur les planches armées de cet humour « girly » qui véhicule les pires clichés sur la fameuse « vacuité féminine ». Anne-Sophie Girard ou Astrid Plus en sont des exemples parmi d’autres, et force est de constater que, dans la salle, les gens rient… Mais que peut-on leur reprocher ? De faire rire de leurs clichés ? De parler de leur condition de célibataire/conjointe/mère ? Reproche-t-on à Gad Elmaleh de raconter ses soirées en boîte, son quotidien de célibataire/conjoint/père ?

Ces humoristes du quotidien sont ceux des clichés qui, parfois fondés, tapent juste. L’ennui des stéréotypes féminins, c’est qu’ils portent la misogynie toute prête à éclore de ceux qui aiment tant réduire les femmes à des généralités, futiles si possible. Pourtant, les personnages de Constance ne sont pas tant futiles que glaçants d’humour noir, comme cette gamine morbide, engluée dans son image de petite fille modèle. Et sa galerie de désaxées en dit long sur la société d’hier et d’aujourd’hui. Que les comédiennes s’emparent de personnages ou de situations de femmes semble logique. Il y a tant à dire et elles sont, après tout, les mieux placées pour en rire. Le problème surgit quand on les y cantonne. Les femmes humoristes ne font pas de « l’humour sexy » (titre d’une critique du Parisien ), et leurs spectacles reposent heureusement sur bien d’autres ressorts. Caroline Vigneaux, qui a hérité de cette étiquette, parle certes de speed-dating, mais il s’agit de celui de l’avocat (son ancien métier) et de ses clients « commis d’office ». Quand elle ironise sur son « mec », elle dresse une méchante caricature du « bio-bio », nouveau modèle du bobo, qui jardine du chanvre et sauve la planète du fond de son canapé. La comédienne n’est pas toujours subtile, mais elle a très certainement des idées.

Charlotte des Georges, de son côté, raconte sa jeunesse auprès d’un père pour qui, être une femme, « c’est une affaire de bonhomme ». Mais elle dresse surtout le portrait d’une famille d’aristocrates allumés, entourés d’une galerie de personnages plus ou moins réussis. Sa gynécologue collectionne les vagins, et sa grand-mère, qui réécrit des problèmes de maths en spéculant sur l’argenterie, poste ses commentaires sur Twitter. Quand cette dernière, doucement, s’éteint, la comédienne nous rappelle que l’humour est affaire de théâtre, et le rire d’émotion. « Ce doit être bien d’être un homme, remarque l’adolescente de Charlotte des Georges, on peut manger une banane sans que personne nous regarde bizarrement. » Une humoriste ricane de sa situation comme un Fellag plaisante sur le bled. Ce n’est certes pas toujours réussi, et les comédiennes dont on parle ne sont pas nécessairement les plus inspirées. Tout comme les hommes, en somme, qui font cet humour que d’aucuns disent « indifférencié ».

Publié dans le dossier
La crise du rire
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