L’enseignement catholique et le débat piégé

Le « caractère propre » des établissements privés sous contrat ne fait l’objet d’aucune définition précise et met à mal l’impératif de neutralité.

Ingrid Merckx  • 17 janvier 2013 abonné·es

«Notre mission n’est ni d’exclure ni d’endoctriner », rappelle Éric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique. Ni homophobie ni obscurantisme non plus, assure-t-il, dans les établissements catholiques, qui représentent 90 % de l’enseignement privé sous contrat. Et de récuser l’accusation de « faute » ou même de « maladresse » prononcée par le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon, en réponse à sa volonté d’inviter les 8 500 établissements catholiques à prendre part au débat sur le mariage pour tous.

Les établissements privés sont-ils soumis au même impératif de neutralité que les autres, ou leur « caractère propre » les autorise-t-il à prendre des positions politiques interdites ailleurs ? « L’enseignement catholique est en désaccord avec une évolution législative ouvrant le mariage et la parentalité aux couples homosexuels », précise le communiqué adressé par Éric de Labarre à ses chefs d’établissement. Leur autorité est-elle d’abord l’Église ou l’Éducation nationale ? Réponse du secrétaire général : le ministère en ce qui concerne les contenus d’enseignement, mais, pour la vie scolaire, ils font ce qu’ils veulent. « Je suis très respectueux du caractère propre de l’enseignement catholique, défend Vincent Peillon. Mais, en retour, cet enseignement, qui est sous contrat avec l’État, doit respecter le principe de neutralité et la liberté de conscience de chacun. Il est du devoir de l’État d’être garant du respect de ces principes. » C’est donc principe contre principe : « caractère propre » contre « neutralité ». La dernière bataille sur ce thème remonte aux manifestations de 1984 contre la loi Savary, visant à intégrer les écoles privées à un « grand service public, unifié et laïc ». Le projet a été finalement retiré, et la référence juridique reste la loi Debré de 1959. Elle stipule qu’un établissement d’enseignement sous contrat, « tout en conservant son caractère propre, doit donner un enseignement dans le respect total de la liberté de conscience ».

Problème : « Le caractère propre ne fait l’objet d’aucune définition juridique ou pratique… », selon Bernard Toulemonde, juriste spécialiste de l’enseignement catholique ( le Monde ). Second problème : la loi Debré distingue « éducation » et « enseignement ». Mais où commence l’une et où finit l’autre ? Éric de Labarre joue sur les frontières : « Les discussions doivent avoir lieu au sein de l’équipe enseignante, ou avec les parents d’élèves, mais je n’ai en aucun cas fait mention de débat avec les enfants. » Ceux-ci pourraient-ils cependant échapper à des débats qui se tiendraient dans leur établissement « entre adultes » ?

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