La formation professionnelle, enjeu économique et écologique

La formation professionnelle représente le contraire de l’improvisation et du court-termisme que des acteurs tentent de maquiller en stratégie.

Jean-Philippe Magnen  • 14 février 2013 abonné·es

Face à la crise, la tentation est grande de la réponse affolée et à courte vue. Certes, les annonces successives de plans sociaux et de charrettes de suppressions d’emplois ou de postes plus ou moins justifiées, la poussée du chômage qui semble inextinguible en même temps que le détricotage du maillage industriel de notre pays exigent des réactions rapides. Nous devons nous mobiliser, notamment en direction des salariés, trop souvent pensés comme seule et unique variable d’ajustement des stratégies d’entreprises. À Saint-Nazaire, le 21 janvier, le Premier ministre n’a pas manqué de souligner combien la capacité de notre industrie à se bâtir un futur passait tout autant par les technologies de pointe que par les compétences des travailleurs. En allusion au futur acte III de la décentralisation, Jean-Marc Ayrault a annoncé la clarification des compétences de formation professionnelle entre l’État et les Régions, avec des schémas prévisionnels qui devraient donner plus de place à la vision « terrain » des besoins. Avec les récentes mesures de sauvetage de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), il faut voir là des signaux forts par lesquels nous pouvons imaginer de vraies perspectives à la formation professionnelle, et donc au tissu économique.

Soyons clairs : les vertus « occupationnelles » de la formation n’ont d’intérêt que pour ceux qui, en fait, ne croient pas à la formation. Les mêmes sans doute qui ont déjà baissé les bras et acceptent la stratégie du déclin. Sans nier que l’entrée en formation des chômeurs ou des salariés d’entreprises en difficulté offre un relais immédiat d’activité – et de revenu – profitable aux personnes concernées, il faut affirmer que l’enjeu est ailleurs. C’est la montée en compétences des travailleurs que nous devons avoir en tête. Trop souvent, il nous faut accepter le constat que les secteurs potentiellement recruteurs ne trouvent pas les salariés dont ils ont besoin. La formation professionnelle contient une bonne partie de la réponse à cette situation, pour autant que l’on y concentre de vrais et forts investissements. Ces mêmes investissements d’avenir, et j’emploie cette terminologie à dessein, portent et déclenchent en même temps d’autres phénomènes vertueux dans la préparation de l’économie de demain. Prenons conscience une fois pour toutes que la transition vers le monde post-pétrole a commencé. Notre économie, notre société tout entière méritent mieux que l’improvisation récurrente des grands groupes industriels, par exemple dans l’automobile, qui ont du mal à faire évoluer leur modèle. Il nous faut inventer aujourd’hui l’industrie de demain, une nouvelle industrie des transports notamment, où les savoir-faire actuels seront transformés grâce à de vrais investissements sur la formation professionnelle, et où les emplois pourront être renouvelés.

La formation professionnelle représente le contraire de l’improvisation et du court-termisme que nombre d’acteurs économiques tentent de maquiller en stratégie sans tromper personne ! Elle porte des choix pragmatiques qui peuvent changer en profondeur et durablement l’économie, et qui luttent en même temps contre le chômage. Il faut aujourd’hui lancer un mouvement qui – n’ayons pas peur des mots – révolutionnera en profondeur les structures de l’économie en donnant une place centrale à la formation professionnelle, activée – et c’est essentiel – à la fois par les entreprises, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, dans le cadre de la vraie « démocratie sociale » qui est encore à naître en France.

S’il faut donner des exemples des « bousculements » à réaliser, on peut évoquer le système allemand ou citer certaines initiatives dans des pays d’Europe du Nord. Non pas comme modèles parfaits à décalquer, mais comme incitation à penser autrement le rapport entre anciennes et nouvelles technologies, entre groupes, entre PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) et, enfin, entre les compétences acquises et celles qu’il faut développer. Plus largement, c’est bien à l’échelle européenne que les changements de fond, pour l’industrie évidemment mais aussi pour l’accompagnement public de la formation professionnelle, doivent être déclenchés. La formation professionnelle peut renouveler l’emploi dans notre pays, mais aussi le démultiplier dans l’industrie et les secteurs connexes de la recherche et du développement, et des services à l’industrie. Elle va également accompagner les mutations du secteur du bâtiment, où 368 000 entreprises et leurs salariés vont demain bénéficier du Plan national de rénovation thermique, qui concernera 500 000 logements par an. La formation professionnelle est un enjeu majeur, qui lie l’urgence économique et sociale à celle de la transition écologique. Elle nous propose en tout cas un débat majeur qu’il nous est interdit d’esquiver.

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