Les risques cachés de l’Accord national interprofessionnel

Une étude révèle que le projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » contient quatre dangers majeurs pour la santé des salariés.

Thierry Brun  • 21 mars 2013 abonné·es

L’Observatoire du stress et des mobilités forcées, qui agit depuis 2007 contre la souffrance au travail, a étudié le projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi ». Un projet qui transpose l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier élaboré par le Medef et signé par trois syndicats minoritaires (CFDT, CFE-CGC, CFTC). En l’état, le texte est considéré par Michel Sapin, ministre du Travail, comme « un progrès considérable pour l’ensemble des salariés ». Pourtant, l’étude, sobrement intitulée « Les risques psychosociaux que peut générer l’application de la loi sur la sécurisation de l’emploi » et envoyée notamment aux parlementaires qui examineront le texte à partir du 2 avril, révèle « quatre risques majeurs pour la santé des travailleurs ». L’article 10, qui propose que l’employeur engage tous les trois ans une négociation portant sur la mobilité, « ne protège plus les travailleurs contre des mobilités qu’ils n’ont pas les moyens de suivre, et ce quelles que soient les “mesures d’accompagnement” des accords », souligne l’observatoire. Cette mesure concerne les récents accords de compétitivité comportant un volet sur la mobilité, notamment celui signé le 13 mars chez Renault. En cas d’application de la loi sur l’emploi, le constructeur automobile n’aura plus à respecter les limites de la mobilité définies par le code du travail.

L’article 3, concernant la « période de mobilité externe sécurisée » dans les entreprises de plus de 300 salariés, est lui aussi critiqué : « Cette mesure a été mise en œuvre, entre autres à France Télécom, pendant plusieurs années pour pousser les seniors hors de l’entreprise. » L’observatoire décrit les situations d’humiliation et de harcèlement visant à faire « accepter cette mobilité sous n’importe quel prétexte », et demande la « suppression » de cet article pour « éviter les drames et les suicides à venir ». L’article 8 du projet de loi ouvre la porte à des négociations sur le travail à temps partiel, mais ne fixe « aucune limite » à l’employeur. Ce qui lui donne « la possibilité d’entériner les pratiques existantes et de confirmer la précarisation de la plus fragile de toutes les catégories de salariés », constituée en majorité de femmes (caissières, salariées dans la restauration, etc.), « les plus sujettes aux risques psychosociaux ». L’article 4, qui prévoit une mesure de « simplification » du rôle des comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) dans les entreprises, « met en danger la capacité de prévention des risques » par ces institutions et le rôle de coordination des travaux et des expertises par les comités d’entreprise. Dans le cas de France Télécom, « l’une des causes déterminantes de l’explosion des risques psychosociaux et des suicides était le refus de l’employeur de prendre en compte les analyses et alertes remontées par les CHSCT », estime l’observatoire. Les auteurs de l’étude proposent des amendements pour les quatre articles incriminés afin que cette loi « soit protectrice en matière de risques psychosociaux ». Ils insistent sur le fait que la future loi « devra être appliquée entreprise par entreprise sur la base de négociations : nous pouvons témoigner du fait que les rapports de force locaux peuvent déboucher sur des situations locales gravissimes », déjà constatées dans certaines entreprises.

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