L’Italie, maillon faible de l’Europe ?

Les élections ont réveillé la crise de la dette dans la zone euro. Les explications d’Henri Sterdyniak.

Thierry Brun  • 7 mars 2013 abonné·es

L’Italie, troisième économie de la zone euro, est de nouveau dans la tourmente des marchés financiers. Mais le blocage politique issu des urnes n’est pas la seule raison du retour de la crise de la dette.

La perspective d’une nouvelle crise de la dette refait surface après les élections italiennes. Qu’en pensez-vous ?

Henri Sterdyniak : La zone euro est une chaîne qui a de nombreux maillons faibles. Elle regroupe des pays hétérogènes, dans des situations différentes, sans stratégie économique, sans coordination efficace en matière de politique budgétaire, fiscale ou sociale. Aucune mesure forte n’a été prise pour réduire le poids de la spéculation financière. La zone n’a aucune stratégie de sortie de la crise ; elle accepte qu’un nombre important de pays s’enfoncent dans la dépression et le chômage de masse. Dans ce contexte délétère, les capitaux des pays extra-européens fuient et n’importe quel événement (élections, faillite bancaire ou non-respect des objectifs de déficits) peut faire resurgir la spéculation.

Cela montre-t-il la fragilité des choix économiques retenus par les pays membres de l’UE ces derniers mois ?

Les politiques économiques mises en œuvre en Europe depuis 2010 ont deux composantes. D’une part, les institutions européennes et les marchés financiers imposent à tous les pays de mettre en place des politiques d’austérité, qui représentent globalement 2 points du PIB de la zone en 2012-2013. D’autre part, ces institutions leur demandent de ne pas augmenter les impôts (sauf la TVA), mais de réduire massivement les salaires et les dépenses publiques et sociales. Résultat : le PIB de la zone a baissé de 0,6 % en 2012 et devrait continuer à diminuer en 2013 ; le taux de chômage devrait dépasser 12 % (mais 25 % en Espagne et en Grèce). Aucune perspective de reprise n’apparaît. Sur le plan social, ces politiques détruisent des pans entiers du modèle social européen. La consommation des ménages a baissé de 10 % en Espagne, en Italie et en Irlande, de 12 % au Portugal et de 30 % en Grèce. Ces politiques sont forcément impopulaires ; les gouvernements sortants sont automatiquement battus à chaque élection. Chaque fois resurgit la question : le nouveau gouvernement continuera-t-il la politique d’austérité de son prédécesseur, qu’il a combattu dans l’opposition, ou trahira-t-il ses électeurs ? Jusqu’à présent, en France, en Grèce, en Espagne, la continuité l’a emporté.

Que craindre de la situation actuelle, avec des pays, comme l’Italie, la France, etc., qui ne peuvent respecter les critères du traité budgétaire européen de réduction de la dette publique ?

Ce qu’il faut craindre, c’est que les gouvernements s’obstinent à respecter des engagements non respectables. Ainsi, la Commission européenne nous annonce une croissance pour la France de 0,1 % en 2013 et de 1,2 % en 2014, avec un déficit de 3,7 % en 2013 et de 3,9 % en 2014. Pour tenir ses engagements, il faudrait que la France réduise ses dépenses publiques de 1,4 % du PIB en 2013, puis de 2 % en 2014 ; au total, c’est 68 milliards d’euros en deux ans. Mais le PIB français baisserait alors de 1,3 % en 2013 et de 2,8 % en 2014. Ces coupes endommageraient le modèle social français : il faudrait les prendre sur les familles, les retraités, les chômeurs, les services publics. La gauche européenne doit profiter de la situation créée par le vote italien, qui est un refus de l’austérité que voulaient imposer les partis européens, pour réclamer la fin de cette politique suicidaire, même si cela doit passer par une crise ouverte en Europe.

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