Stéphane Hessel : Un précieux héritage

Nombreux sont ceux qui ont été marqués par l’engagement et la personnalité de Stéphane Hessel. Trois d’entre eux en témoignent.

Politis  • 7 mars 2013 abonné·es

Gilles Perret

« En 2008, nous avons décidé d’inviter Stéphane Hessel au ­deuxième rassemblement Paroles de résistance, au plateau des Glières (1). Nicolas Sarkozy étant président de la République, nous n’avions pu l’empêcher de venir, mais nous cherchions une grande voix pour notre rassemblement. Nous avons pensé à Stéphane Hessel parce que nous avions lu l’appel de 2004, signé par d’anciens résistants, appelant partis politiques et syndicats à se saisir du programme du Conseil national de la Résistance (CNR).

À l’époque, Stéphane Hessel était peu connu, et je me souviens avoir hésité à l’appeler. Il a immédiatement accepté, alors qu’il ne nous connaissait pas. Il a prononcé un discours qui restera gravé dans la mémoire de tous ceux qui étaient là, d’une telle force politique que tout le monde avait les larmes aux yeux ! C’est là qu’il a expliqué le motif de base de la Résistance : l’indignation. Sylvie Crossman, des éditions Indigène, a découvert le personnage et ses propos. Ce discours, pour une part retranscrit dans Indignez-vous !, a donc été un des éléments déclencheurs du livre, puis du mouvement des Indignés à travers le monde.
J’ai le souvenir d’un homme qui avait une immense confiance dans l’être humain, animé par la volonté de transmettre les idées du programme du CNR, mais comme mémoire vivante, active et actuelle. Comme le voulait également Raymond Aubrac. Pour nous inviter à prendre le relais.

Stéphane Hessel était un homme de courage, de simplicité, de ­sincérité et de générosité. Il nous a beaucoup donné ; nous n’oublierons pas l’homme, ni son message. »

Jean-Marie Fardeau

« Très cher Stéphane,

Vous avez été et vous continuerez d’être dans nos mémoires un être extraordinaire. Beaucoup a déjà été dit sur vous ces derniers jours, y compris par des gens que je ne pensais pas aussi indignés par les injustices et la violence des États, ni sensibles à la force de l’expression citoyenne.

Ils étaient moins nombreux, ceux qui soutenaient vos intuitions et vos ­convictions humanistes au moment de la lutte des sans-papiers de l’église Saint-Bernard en 1996, ou en faveur d’une transformation de la politique française de coopération en Afrique, que vous appeliez de vos vœux au début des années 1990.

J’ai eu la chance de vous côtoyer à de nombreuses reprises au cours des vingt dernières années. Vous étiez à nos côtés, en 1988, au lancement d’Agir ici pour un monde solidaire ; nous nous sommes ensuite retrouvés en 1999 au Haut Conseil de la coopération internationale, créé à votre instigation. Je garde un souvenir ébloui de vous lors de la rencontre nationale du CCFD-Terre solidaire à l’occasion de ses 40 ans. Vous aviez 85 ans, vous en paraissiez 70, votre esprit en avait toujours 25… Lorsque les clowns recrutés pour animer cette assemblée de 5 000 personnes ont demandé un volontaire pour faire l’équilibriste sur des rouleaux, qui fut le premier à lever la main ? Vous, bien sûr. Vous nous avez tant fait rire, avant de nous époustoufler en déclamant Apollinaire et puis Hugo, avec le brio qui vous caractérisait.

Vous avez enfin honoré de votre présence l’association pour laquelle je travaille désormais, Human Rights Watch, pour y délivrer avec votre tact légendaire des propos essentiels sur les droits de l’homme, universels bien entendu, et sur les conditions de la paix entre Israéliens et Palestiniens.

Avec René Dumont, Lucie et Raymond Aubrac, et l’abbé Pierre, vous faites partie de ces personnes qui ont éclairé nos vies par leur intelligence et leur capacité à faire sentir au plus grand nombre les défis de notre humanité. Ils sont rares les êtres qui, comme vous, rassemblent autant de talents et de qualité. Vous restez pour nous une conscience vivante, un phare éclairant les recoins les plus obscurs de notre humanité. Merci. »

Héloïse Nez

« En Espagne, Indignez-vous !, était en tête des ventes au printemps 2011. Mais je ne saurais dire dans quelle mesure ce livre a marqué le mouvement des Indignados, ce dernier s’inscrivant avant tout dans un contexte national. Ses membres s’appellent plus souvent “15M”, en référence à la première manifestation convoquée par “Democracia Real Ya”, un regroupement de collectifs constitué auparavant sur Internet (Juventud sin Futuro, Estado del Malestar, Anonymous, No les votes, etc.) et qui avait lancé un appel à manifester le 15 mai 2011. Il y a eu quelques débats en assemblée sur les étiquettes “15M” et “Indignados”, perçues comme des qualificatifs médiatiques. Mais le sentiment d’indignation est bien exprimé par les participants, notamment à l’égard des élites politiques et économiques.

Surtout, le livre de Stéphane Hessel a donné lieu à un autre ouvrage en espagnol : Reacciona, “Réagis”. Il regroupe les contributions d’intellectuels, de journalistes et de militants qui développent l’appel à l’indignation de Hessel à partir de la situation espagnole. Coordonné par Rosa María Artal, il comprend notamment les contributions de Baltasar Garzón, sur la situation de la justice en Espagne, ou encore de José Luis Sampedro, économiste et écrivain de la même génération que Hessel, qui a préfacé l’édition espagnole d’Indignez-vous !

Reacciona a d’ailleurs été préfacé par Stéphane Hessel lui-même et a rencontré un véritable écho dans la société civile. »

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