Quand « Regards » fait son printemps

La revue publie cette semaine son nouveau trimestriel. Entretien avec Clémentine Autain, sa directrice.

Jean-Claude Renard  • 4 avril 2013 abonné·es

En janvier, la revue Regards inaugurait une nouvelle formule, bimédia, proposant à la fois un mensuel sur Internet et un trimestriel en kiosque. Cette semaine, au sommaire du deuxième numéro du trimestriel, un reportage sur la nouvelle vague des Occupy, un portrait de David Cameron, un débat sur les idées de la gauche populaire, ou encore la rencontre de deux juristes, Mireille Delmas-Marty et Monique Chemillier-Gendreau.

Qu’est-ce qui vous a incité à faire le pari d’un e-mensuel et d’un trimestriel papier ?

Clémentine Autain : Cela répond à un projet de refonte éditoriale. Nous voulions être plus réactifs, avec un site Internet rénové qui nous permet de traiter l’actualité au rythme où elle va, et aussi, avec un trimestriel, conserver la nécessité du temps pour les questions de fond.

Le changement de périodicité change-t-il la nature éditoriale de la revue ?

Absolument. Du mensuel au trimestriel, nous avons des dossiers plus nourris. Dans le premier trimestriel, nous avons pu longuement traiter de l’islam et la gauche. Cette fois, nous présentons un dossier sur la révolution commoniste, Internet, les pirates, le logiciel libre, un dossier exigeant beaucoup de temps, de réflexion et d’espace. La place est aussi à l’image, aux chroniques, comme celles de Rokhaya Diallo et de La Rumeur, sur des formats courts. C’est aussi des analyses plus développées, comme celle sur la gauche se disputant le peuple. Nos choix se portent sur des questions qui animent le débat contemporain, tout en abordant les questions qui fâchent ou qui semblent impensées ou mal pensées, dans la gauche radicale. C’était le cas par exemple pour le thème de l’islam et la gauche. Il s’agit surtout de ne pas brosser dans le sens du poil des problématiques qui font consensus, mais de trouver du grain à moudre du côté de ce qui nous reste à inventer. Regards est un titre engagé et ouvert. Ceux qui s’y expriment ne sont pas forcément parfaitement conformes à une prétendue ligne politique. Ça reste un journal, avec ses traditions et sa culture.

Quelles sont ces nouvelles rubriques « décalées et parfois ludiques », selon votre expression ?

L’objet du scotch féministe en est un exemple. Il s’agit d’un rouleau de scotch sur lequel est imprimé « sexistes au zoo, féministes au pouvoir ». C’était l’occasion de parler d’une relative obsolescence des formes classiques du militantisme et en même temps d’un objet contemporain. Il s’agit de proposer des entrées ludiques, qui ne soient pas revêches dans l’accès. Regards est une revue qui s’inscrit dans un entre-deux, qui refuse le classicisme mais peut manier le meilleur du magazine.

Vous avez été chroniqueuse à la télévision, dans l’émission « Vous trouvez ça normal ? », aux côtés de Bruce Toussaint, supprimée après quatre mois d’antenne. Quelle expérience en tirez-vous ?

D’abord une grande incompréhension sur la stratégie de développement de France 2. Je ne comprends pas pourquoi cette émission a été arrêtée, en ayant beaucoup bougé en quatre mois. Arrêter une émission qu’on modifie et réoriente sans cesse, qui commence à trouver son public, est une aberration économique et éditoriale. D’autre part, j’ai vécu cette expérience avec beaucoup de tension. Pour qui ne vient pas d’un milieu de la pensée dominante, il s’agissait de ne pas se défiler face aux habituels éditorialistes et devant un public large, tout en portant un message dans une émission partagée entre l’information et le divertissement, un entre-deux très piégeant. Mais j’ai voulu y participer dans la mesure où la stratégie de la chaise vide ne me semble pas la bonne.

Vous participez également, trois fois par semaine, à un débat présenté par Christophe Hondelatte, face à Élisabeth Lévy, sur le site de yahoo. Cela répond à ce refus de la chaise vide ?

Tout à fait. Le succès est d’ailleurs très surprenant avec plus de 100 000 vues chaque semaine. Sans doute parce qu’on n’est d’accord sur rien, loin de tous les débats avec quatre ou cinq personnes qui disent à peu près la même chose. La conflictualité politique, même mise en scène, me semble aujourd’hui recherchée par le public.

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