Sanseverino : De l’herbe bleue dans le paysage

Ça ressemble à de la country, mais ça swingue et c’est en français : c’est Honky Tonk, le dernier album de Sanseverino.

Ingrid Merckx  • 25 avril 2013 abonné·es

Le bluegrass, ça ne se fume pas, ça ne se gobe pas, mais ça transporte… En un rien de temps, même celui qui ne connaît pas se retrouve au pays des Dalton et d’Elvis chaussé de Santiags folles… Ça sent les grands espaces, le feu de camp et les vaches en arrière-plan ? Pas vraiment : on se croirait dans un film des frères Cohen mais c’est un mirage. Ça sonne un peu « ricain » mais ça balance. Et c’est en français. « Mon carnet de route est plein de déroutes », fredonne Sanseverino. C’est lui l’artificier : après des albums swing, en big band ou rock, il a choisi de caler ses historiettes mélancolico-incisives sur ce confluent de la country. Pas de problème d’authenticité, du moment qu’on est sincère et qu’on parle de son univers : Pôle emploi, ouvriers de l’Est, Grand Meaulnes… Mais quand la fin du monde est proche, « c’est plus le moment d’écouter du blues ». S’il se souvient de Béranger et de Bécaud, c’est pour retrouver « le Vieux » avec Jeanne Cherhal et accrocher « Nathalie » sur une pompe manouche avec le standardissime « Russian Lullaby » en apetizer.

Sanseverino s’amuse à brouiller les pistes, hommage à ceux qui ont tout mélangé : « L’oreille est plus ouverte/Celui qui swingue n’est pas celui qu’on croit/Les rockers d’aujourd’hui aiment la java. » Mais ce lexique désopilant, ** cette douceur un peu rauque de « l’Avion », cette intro au violon manouche sur laquelle la voix arrive en sprint (« les Marrons »), c’est bien lui, aucun doute. Il s’est fait tendre sur cet album (« La nostalgie qui colle »), casse presque gentiment le mec qui raconte sa vie, les vétérans, la Saint-Valentin « Toussaint du slip » ou l’épilation normande (nouveau concept !). Le chanteur guitariste, qui se sentirait plutôt « Front de gauche antinucléaire avec de l’humour » ( Libération ), n’a pas pris de bluegrass pour taper fort mais comme pour retourner à ses sources. Non pas « poor lonesone cowboy » mais « vieux de demain », il se grouille d’en profiter et promène son regard sagace : « Parfois l’auto-apitoiement/Me dit qu’il faudrait p’t-être/Éviter que la déprime et les bons sentiments/Ne viennent encore traîner dans mes guêtres/Regarder les choses vraiment… »

Musique
Temps de lecture : 2 minutes