A l’offensive… Mais contre son camp

François Hollande se dit de nouveau « socialiste » mais l’essentiel de ses annonces sont en rupture avec les fondamentaux de la gauche.

Michel Soudais  • 16 mai 2013
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A l’offensive… Mais contre son camp

« Je suis socialiste. » ** De toutes les annonces faites par François Hollande lors de sa conférence de presse, cette réponse du président de la République à une question, qui lui demandait s’il était social-démocrate, fait figure de scoop. A double titre.

D’abord parce que l’affirmation, un peu bravache ( « Est-ce que ce serait mieux social-démocrate ? » ), contredit d’abord l’aveu qu’il avait fait à David Pujadas, le 28 mars, sur France 2. Le chef de l’Etat avait alors déclaré «  maintenant je ne suis plus un président socialiste » , suscitant le trouble dans les rangs ** du PS. D’où sans doute le souci de rassurer ses troupes, juste avant une rencontre avec les parlementaires socialistes, pour la première fois depuis son élection.

Ensuite parce que l’on cherche en vain dans les politiques annoncées ce qui le rattache encore à cette tradition politique. Que ce soit dans l’exposé de ses initiatives pour « sortir l’Europe de sa langueur » ou dans la feuille de route qu’il a tracée en politique intérieure, le parti-pris est clairement libéral. Et si, lors de sa première conférence de presse en novembre, le chef de l’Etat, avait définit sa politique comme un « socialisme de l’offre » , aujourd’hui il ne reste plus de cet oxymore qu’une politique de l’offre très classique. Et nettement affirmée.

Tout au long de cette conférence de presse de près de 2h40, François Hollande s’est méthodiquement appliqué à briser les fondamentaux de la gauche.

Sur l’Europe, le chef de l’Etat avoue ne plus avoir l’ambition de changer le statut de la BCE : « Même si j’en avais la volonté (sic), ce ne serait pas possible » , dit-il, rompant avec tous les textes du PS qui réclament ce changement de statut depuis une décennie. S’il évoque encore l’harmonisation fiscale, à laquelle devrait œuvrer le gouvernement de la zone euro qu’il propose d’installer, reprenant en cela une demande d’Angela Merkel, c’est pour palier à des distorsions de concurrence et de compétitivité.

Quand, pour balayer les accusations d’indécision , il revendique d’avoir pris « des décisions » , les exemples qu’ils citent sont emblématiques d’un ralliement à l’idéologie néolibérale. Il se félicite d’avoir pris le rapport Gallois sur la compétitivité « en totalité » . Et d’avoir réussi « la réforme du marché du travail, qu’on disait impossible » (comprendre : que Nicolas Sarkozy n’est pas parvenu à faire).

Sur la réduction des dépenses publiques , François Hollande se vante également de faire mieux que Nicolas Sarkozy : « Quand je regarde ce qu’a été la dépense publique de l’Etat en 2012, elle a été légèrement inférieure à celle qui a été prévue. En 2013, elle sera stable et en 2014, elle reculera de un milliard et demi. Et on viendrait nous dire que l’on n’a pas fait d’économies! » Et veut tordre le cou à l’idée que la gauche serait synonyme de plus d’impôts.

S’agissant des retraites , François Hollande met également ses pas dans ceux de son prédécesseur en reprenant le refrain qu’affectionnait ce dernier : «  Des lors que l’espérance de vie augmente, on devra travailler aussi un peu plus longtemps. »

** Les annonces économiques vont dans le même sens :
L’élargissement des emplois d’avenir au secteur privé (surtout dans le tourisme et les services à la personne), constitue un nouveau cadeau fait aux entreprises, après les 20 milliards de crédit d’impôt sans contrepartie et quelques autres.
L’annonce d’une réforme des plus-values de cession mobilière, en présage un autre.
La *« simplification administrative » est synonyme d’une moindre régulation.
La *« cession de participations publiques dans des entreprises » traduit un désengagement de l’Etat.
L’appel à des *« fonds d’investissements » , « parfois même de l’étranger » , pour contribuer au grand plan d’investissement sur dix ans, ne peut qu’accroître notre dépendance à la finance.

Partisan affirmé du « consensus » , François Hollande nous a gratifié d’une confidence révélatrice : « Chaque fois qu’il y a une bonne proposition venant du camp d’en face, je demande au gouvernement de s’en emparer. »

On avait bien remarqué que ce n’est pas dans sa majorité (celle qui lui a permis d’être élu), ni même auprès des formations alliées au PS dans le gouvernement, que François Hollande puise son inspiration. Cela allait sans doute mieux en le disant.

Politique
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