Loi d’amnistie : Colère et incompréhension

Le revirement du gouvernement heurte une partie de sa majorité.

Michel Soudais  • 2 mai 2013 abonné·es

Le veto de François Hollande à toute amnistie sociale déchire la gauche. Après avoir laissé le Sénat adopter, à deux voix de majorité, une amnistie sociale a minima, le 27 février – Christiane Taubira avait salué « le courage du Sénat » qui avait su « faire œuvre de justice »  –, le gouvernement a brusquement fait volte-face, le 24 avril. Le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, en a fait l’annonce sur France Info, aussitôt suivi sur BFM-TV par le président du groupe des députés socialistes, Bruno Le Roux, moins de deux heures avant que la commission des lois de l’Assemblée nationale se penche sur cette proposition de loi du Front de gauche. Si le Parti communiste a immédiatement dénoncé une « trahison insupportable », tandis que le Parti de gauche appelait les députés socialistes à « rompre les rangs », la position du gouvernement a aussi irrité les écologistes et nombre de socialistes. « Scandalisé par ce changement de pied aussi brutal », le député (EELV) Sergio Coronado y voit « un signal politique, qui tourne le dos à des revendications syndicales et du monde du travail ». Cette décision « ne peut que susciter, une fois de plus, la colère de celles et de ceux qui, durant cinq ans, ont subi les conséquences des choix politiques du sarkozysme », renchérit sur son blog Noël Mamère, furieux que des ministres aient pu « assimiler, de fait », les Continental et Xavier Mathieu, les faucheurs OGM, les militants du Réseau éducation sans frontières (RESF)… « aux voyous homophobes d’extrême droite dévoyant les manifestations contre le mariage pour tous ». Le revirement du gouvernement a suscité une vive altercation entre Cécile Duflot et Alain Vidalies, le 25 avril au Sénat. Filmée par hasard, mais sans le son, cette dispute « privée » a été confirmée par la ministre dimanche sur BFM-TV. Elle a refusé d’en dévoiler la teneur, mais a rappelé son soutien passé aux syndicalistes de Continental, notamment, et indiqué que sa position n’avait pas changé.

Au PS, la fronde déborde les rangs de la gauche du parti, dont plusieurs députés, tel Pascal Cherki, ont fait savoir qu’ils voteraient l’amnistie par « fidélité à [leurs] convictions socialistes ». En commission des lois, Patrick Mennucci a mis en garde contre « une erreur politique ». « Ça suffit, cette façon de nous traiter ! », a lancé le député marseillais, furieux d’apprendre à la radio une décision prise sans même un débat dans le groupe socialiste. « La décision du gouvernement […] ne peut engager automatiquement les parlementaires socialistes », soutient Malek Boutih. L’ancien président de SOS-Racisme, désormais député de l’Essonne, demande que le groupe socialiste « décide, en indépendance, de sa position, et qu’un vote soit organisé lors de la prochaine réunion », le mardi 14 mai. Sur son blog, Julien Dray, qui n’est plus député, réfute méthodiquement les arguments du gouvernement et appelle les parlementaires socialistes à « être au rendez-vous » pour éviter que cette « faute politique » ne devienne une « tache indélébile ».

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