« Le passage en bio doit être clairement favorisé »

Stéphanie Pageot attend du ministre qu’il confirme dans les actes ses premières annonces encourageantes.

Patrick Piro  • 6 juin 2013 abonné·es

Alors que la dynamique insufflée il y a quelques années semblait battre de l’aile, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, souhaite un doublement des surfaces cultivées en bio d’ici à 2017. Stéphanie Pageot, présidente de la Fédération nationale d’agriculture, réagit.

Le plan de Stéphane Le Foll pour le développement de la bio suscite chez les professionnels un a priori favorable et unanime. C’est une nouveauté…

Stéphanie Pageot : Oui, et cela montre que nous sommes parvenus à faire passer une partie de nos idées. L’une de nos satisfactions principales, c’est que le plan laisse entrevoir un soutien vraiment équilibré sur toute la filière, des secteurs en amont – production, transformation – aux secteurs en aval – marchés, consommation. Aujourd’hui, nous avons l’espoir que la donne puisse changer significativement.

L’augmentation des budgets était-elle attendue ?

Après cinq années de stagnation, la bio est repartie à la croissance depuis 2008. Elle occupe cependant une place très modeste au sein de l’agriculture française. La bio en France, fin 2012, ce sont : - 1 million d’hectares, soit 3,8 % du territoire, dont 17 % en phase de conversion. Une croissance de 75 % depuis 2008 ; - 65 % de ces surfaces sont en herbe ou en cultures fourragères, 20 % sont consacrées aux « grandes cultures » (céréales, oléoprotéagineux, légumineuses), 6 % sont en vigne, 4 % en fruits et légumes, 5 % en divers. Les cultures les plus « bio » en France : les légumes secs (32 %), les fruits et plantes aromatiques (13 %) et la vigne (8 %) ; - 25 000 fermes sont concernées, soit 4,7 % des exploitations françaises ; - 60 000 équivalents temps plein, soit 7 % des emplois agricoles. À surface égale, la bio emploie plus de main-d’œuvre que l’agriculture intensive ; - 12 300 transformateurs et distributeurs ; - 4,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, soit 2,4 % du marché alimentaire français. En croissance de 6,6 % l’année dernière ; - 25 % des approvisionnements du marché français bio sont importés, une diminution de 7 points en un an.
Oui, c’est cohérent avec la volonté d’un doublement de l’importance de la filière d’ici à 2017. Cependant, il faudra être vigilant, parce que les financements annoncés doivent encore être confirmés par les arbitrages budgétaires. De plus, ils ne devront pas se limiter à l’aide à la conversion des agriculteurs en bio et à leur maintien. Ainsi, les mesures d’accompagnement – animation, aides techniques, etc. – sont une priorité décisive pour notre réseau. Nous mesurerons notre satisfaction, in fine, à ce que nous obtiendrons sur ce chapitre. Autre point clé : l’ensemble du dispositif devra délivrer un signal clair à la profession agricole. Il devra être incitatif, et ne pas seulement se contenter d’aider ceux qui ont déjà décidé de franchir le pas vers la bio. Il s’agirait d’une reconnaissance explicite que ce système agricole est actuellement le plus abouti au regard des défis de l’époque.

Le gouvernement reprend à son compte l’objectif « Grenelle » de 20 % de bio en restauration collective, en particulier pour le secteur de l’État. Est-ce satisfaisant ?

C’est indéniablement un signe fort. La dynamique de la commande publique est toujours un appui important, elle va amplifier ce qui se fait déjà dans les collectivités territoriales. Mais cette bonne intention restera lettre morte si on ne met pas les moyens pour former les agents (à préparer des aliments bruts, à organiser la lutte contre le gaspillage alimentaire…).

Le gouvernement lie l’agriculture biologique au maintien de la qualité des captages d’eau. Ce n’était donc pas une évidence officielle ?

En tout cas, il s’agit là aussi d’un signe de reconnaissance important. Le gouvernement affirme que la bio est une pratique protégeant l’eau potable, premier pas vers une logique de prévention à contre-courant de la pratique curative qui domine aujourd’hui. Nous y voyons une invitation à développer des actions pilotes dans ce sens-là.

Le ministre est favorable à une meilleure prise en compte de la bio dans les dispositifs agricoles – formation, chambres d’agriculture…

Toutes les actions transversales et génératrices de synergies sont à saluer. De même, cela peut paraître banal, mais la volonté de mettre en place un comité de suivi interministériel du plan « Ambition bio 2017 » est décisive : l’absence d’un tel organe, lors de la période précédente, explique en partie que l’on n’a pas atteint les objectifs du Grenelle. Un rapport des inspections générales vient d’ailleurs de dénoncer les travers de la logique empirique adoptée jusque-là. Les objectifs affichés sont ambitieux, il faut pouvoir évaluer les avancées au fil de l’eau et proposer rapidement des correctifs si l’on sort de la trajectoire souhaitée.

Publié dans le dossier
Santé publique : Menace sur l'eau
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