Le pire et le meilleur de la Télé publique

Ce qu’il faudrait conserver, ce qu’il faudrait supprimer et ce qu’il reste à imaginer.

Jean-Claude Renard  et  Jean-Michel Véry  • 18 juillet 2013 abonné·es

Ce qui était et qu’il fallait conserver

Ainsi sonnait « Taratata »
Avant, en France, une émission musicale à la télé, ça faisait peur aux musiciens. « Un son armoire », médium, sans spectre, sans retours, desservant le morceau et l’artiste. L’arrivée de « Taratata » a ouvert « les chants du possible » : on entendait enfin le bassiste, les chœurs et la charley du batteur. De belles lumières, des poursuites, une régie, des effets, un respect aussi et surtout une réelle appréhension des besoins techniques des musiciens. Et les artistes français et internationaux accouraient pour se faire plaisir, comme en studio.

Avec Patrice Cramer au son et Gérard Pullicino à la réalisation, maîtres d’œuvre de ce bouleversement, les pointures de la scène et du disque venaient se mélanger, partager sur une reprise, un standard, un pan commun d’histoire musicale. Sting, Peter Gabriel, Youssou n’Dour, Texas, Arno, Higelin, Birkin, Muse, Jamiroquai… se croisaient en loges et on stage dans des duos parfois magiques, souvent électriques. Écrémant les médiocres et les boutiquiers, une forme d’exception culturelle française.

L’émission, avec l’aide de partenaires (TV5, Air France…), était vendue 60 000 euros à France 2 [^2]. À mettre en perspective avec les 15 millions d’euros pour une saison de « The Voice » sur TF1.

Ce qu’il y a de pire

La télé en Bern
Son titre est un gimmick emprunté à Jamel Debbouze, époque Canal +, mais l’émission n’a rien de drôle. Et pourtant, distraire, c’est sa vocation première. Les après-midi sur France 2, « Comment ça va bien ? » déroule un summum de vacuité. Bouc émissaire de ses chroniqueurs, victime naturelle de tests fondamentaux pour l’avenir de l’humanité (comment porter le short ?, chouchouter ses pieds pour les vacances…) ou de défis majeurs (tondre un mouton, s’installer dans un hamac…), Stéphane Bern se perd dans un programme graveleux digne des chaînes de la TNT. L’audience est aux alentours de 12 %, Derrick atteignait jusqu’à 20 %.

À quoi sert France 4 ?
La réponse est dans ses programmes : la journée du lundi en est un exemple. 7 h 15 : Iron Man, série américaine. 8 h 05 : Ultimate Spiderman, série américaine. 9 h 20 : Jag, série américaine. 10 h 10 : Plus belle la vie, soupe feuilletonnesque française, diffusée déjà sur France 3, également sur France Ô. 12 h, New York 911 : série américaine. 13 h 35 : Urgences, série américaine. 16 h 45 : Véto Junior, série documentaire consacrée aux vétérinaires en herbe. 18 h 55 : Loïs et Clark, les nouvelles aventures de Superman, série américaine. À partir de 20 h 45, du magazine sociétal bas du bob, parfois un film. Et, à peu de chose près, c’est le programme tous les jours. Consternant.

Ce qu’il faudrait développer

La VO sous-titrée
À l’heure où, dans les universités françaises, on évoque un cursus en anglais, le service public audiovisuel a mis de côté la version originale sous-titrée (VOST). Sur cinq chaînes, hormis « Le cinéma de minuit », donc tard, ou certaines séries américaines (Castle, le lundi), France Télévisions, sans doute pour ne pas effrayer son téléspectateur, avec l’audimat en ligne de mire, a fait une croix sur le versant éducatif de sa mission de service public. Les Français, souvent décriés, voire moqués, pour leur pratique sommaire des langues étrangères, ne disposent pas d’outils ludiques pour un apprentissage complémentaire à l’Éducation nationale. Pourtant, les classiques du cinéma italien ou américain pourraient nourrir une appétence précoce et cette exception culturelle dont nous nous prévalons.

Ce qu’il faudrait supprimer

Le Paris-Dakar, cette imposture
Un rallye qui n’a rien de populaire. Dont même le nom est une imposture puisque la course se dispute en Amérique du Sud, et pour laquelle le service public déploie chaque année, quinze jours durant, un dispositif exceptionnel, entre hélicoptère, matériel, techniciens, journalistes, pour une flopée de retransmissions, de « bivouacs » magazines, journaux de bord et suppléments. Une indécence médiatique faisant fi des victimes au bord des routes, au diapason d’un scandale écologique. France Télé doit faire des économies, c’est tout trouvé.

[^2]: Sur France 2, une émission de deuxième partie de soirée coûte entre 160 000 et 220 000 euros.

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