Que se passe-t-il vraiment au Mali ?

Un ouvrage collectif qui envisage tous les aspects de la crise au Sahel et au Sahara.

Denis Sieffert  • 18 juillet 2013 abonné·es

Àquelques jours de l’élection présidentielle au Mali, la lecture de cet ouvrage collectif dirigé par Michel Galy est du plus grand intérêt. Les auteurs envisagent la crise au Sahel et au Sahara sous tous ses aspects. D’emblée, Bertrand Badie souligne que la crise dite « malienne » n’est que « très partiellement nationale », puisqu’elle implique un peuple « sans État », les Touaregs, partagé « entre cinq pays », et des djihadistes qui, comme le souligne Michel Galy, « s’inscrivent dans un combat mondial pour le califat ». Sans oublier bien sûr les puissances occidentales – et en premier lieu la France –, qui défendent jalousement leurs intérêts économiques et stratégiques. Parmi les acteurs de l’ombre, il y a aussi le grand voisin du nord. François Gèze analyse le « jeu trouble du régime algérien », dont la police politique (le Département de renseignement et de sécurité) se profile depuis 2003 derrière Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). C’est un peu comme si le Mali était à la confluence de toutes les crises régionales et des convoitises économiques et stratégiques occidentales.

Il faut également mentionner la question touareg, toujours non résolue et rapidement amalgamée par le discours occidental à « l’axe du mal ». Hélène Claudot-Hawad rappelle qu’il s’agit là de revendications d’indépendance ou d’autonomie territoriale qui ont été aussi violemment rejetées par la France coloniale que par le pouvoir de Bamako. Les auteurs tissent la toile de fond à l’intervention française du 11 janvier 2013. Michel Galy revient sur les circonstances de cet engagement éclair qui a contredit les promesses de François Hollande. Il rappelle comment la France, qui se préparait à intervenir en sous-main, a été prise de court par la plongée des groupes djihadistes vers Bamako, et pourquoi elle a dû se substituer à la Cedeao [^2] qui tardait à mettre en place une force opérationnelle.

Jean-Louis Sagot-Duvauroux analyse les traits spécifiques de la crise politique interne et l’écroulement de l’État, qui ont justifié l’intervention française. Il montre une société où la corruption et la religion jouent un rôle de régulateur aux effets pervers. Une situation qui sert évidemment les intérêts français. Plus de cinquante ans après l’indépendance, la France détient 25 % de la dette malienne et possède 150 entreprises dans le pays. Si bien que la question qui se pose n’est pas celle de l’opportunité de l’intervention de janvier dernier (Jean-Louis Sagot-Duvauroux reconnaît qu’elle « a sauvé le Mali d’un péril immédiat » ), mais de la dépendance postcoloniale dans laquelle le pays est maintenu, et de la survivance d’une situation qui fait de la France le gendarme obligé de la région.

[^2]: Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest.

Idées
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