Politique de la vacuité

Roselyne Bachelot, Jeannette Bougrab, Daniel Cohn-Bendit : ces personnalités s’installent à l’antenne et sur le petit écran. Entre inepties et empilement de clichés.

Jean-Claude Renard  • 12 septembre 2013 abonné·es

Passons sur l’arrivée de Frédéric Mitterrand à France Inter. Pour l’ancien ministre de la Culture de Sarkozy, qui, à peine nommé à la Villa Médicis, avait abandonné la colline romaine pour occuper la rue de Valois, c’est moins une entrée qu’un retour dans le paysage médiatique. Après avoir été producteur ou présentateur de plusieurs magazines dans les années 1980 et 1990, il anime en cette rentrée « Jour de Fred » sur Inter. Un tête-à-tête des plus classiques dont les premiers invités ont été Léa Seydoux, Amanda Lear ou encore la princesse Minnie de Beauvau-Craon – excusez du peu.

Plus étonnante est la débarque de Daniel Cohn-Bendit dans la matinale d’Europe 1. Dany le Rouge y assure une chronique quotidienne à 7 h 55. Inaugurée fin août, taclant le foot business, « l’argent du Qatar, des milliardaires russes, du sponsoring de la pub, du détournement d’impôts  [qui] dénature le sport ». Soit (ou ben oui). Autre chronique, Berlusconi : « L’homme au masque chirurgical ne connaît qu’une maxime, son intérêt personnel. » Soit (ou ben oui). Poutine : « Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il a une idée obsessionnelle : que la Russie redevienne la grande puissance capable de tenir tête aux États-Unis. » Soit (ou ben oui). Oradour-sur-Glane : « Cette commémoration est une nécessité pour les Allemands et les Français. » Il n’en revient pas d’être arrivé tout seul à cette conclusion majeure. Entre deux publicités, le député européen décline de la géopolitique pour les nuls (les auditeurs d’Europe 1 ?), enfile les évidences. Jeannette Bougrab est l’un des changements du « Grand Journal » version Antoine de Caunes. Face à Philippe Croizon, amputé des quatre membres, qui se bat pour la reconnaissance des handicapés, elle dit avoir été « émue par sa lettre ouverte à Jean-Marc Ayrault ». Villepin est sur le plateau, elle laisse la main à Aphatie. Quand Jean-Claude Delage, du syndicat policier Alliance, est invité pour juger la réforme pénale, elle déclare, le regard pénétré : « Vous avez eu des mots très durs sur cette réforme… » Face à Élisabeth Guigou, elle demande : « Pourquoi faut-il entrer en guerre sans débat au Parlement ? » Et puis c’est tout. L’ancienne secrétaire d’État à la Jeunesse de Sarkozy n’a rien à dire, sinon des banalités, sinon qu’avec « Aphatie, on est le plus beau couple du PAF ! ». Ceci explique sans doute pourquoi elle s’en remet à des tenues aux couleurs vives pour capter les caméras – dans le générique autopromo de l’émission, elle se dandine en robe rouge.

Roselyne Bachelot se dandine itou en ravie de la crèche dans le générique du « Grand 8 », le talk-show quotidien animé par Laurence Ferrari sur D8. Recrutée voilà bientôt un an par la chaîne, l’ancienne ministre des vaccins est « une révélation », dit-on. Diable ! Sûrement inspirée par les fulgurances de Christine Bravo, elle se trémousse pareillement devant n’importe quel invité, le judoka Teddy Riner, le chanteur Stromae ou la pudique Zahia, gloussant de ses propres blagues, délivrant ses précieux avis. Il ne lui reste qu’à commenter une soirée théma sur la carie dentaire. Le dimanche à 18 h 45, fin de rigolade et des trémolos, elle revient sur l’actualité politique de la semaine en quatre minutes, sur i-Télé. En déboulant sur le petit écran, Bachelot avait pourtant promis de ne pas faire de politique. Oui, mais ça, c’était avant. Elle sentence, empilant les clichés. Les retraites ? « Ça va être difficile à long terme pour Pierre Moscovici et Michel Sapin ; les ennuis ne font que commencer. » Hollande ? « C’est une rentrée très compliquée ; il y a une chose qui peut le sauver : c’est encore plus compliqué dans l’opposition, mais cela, nous aurons le temps d’en reparler. » Ben dame, c’est pas facile un édito. Pourtant rompus aux codes de la télé et de la radio, enrichissant eux-mêmes le mélange des genres, renforçant l’idée de connivence, les politiques ne sortent pas grandis de ces reconversions [^2]. Ni les médias, en quête du bon client. Reste une règle grand-maternelle : à force d’enfoncer des portes ouvertes, on finit par prendre froid.

[^2]: On pourrait même y ajouter Laurence Parisot, « en femme libre », et surtout libérale, qui cachetonne dans la concurrence avec une chronique sur Europe 1 et une autre sur RTL.

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