Pagaille à EELV

Pascal Durand jette l’éponge, Noël Mamère quitte un parti qu’il « ne reconnaît plus »… La participation gouvernementale n’en finit pas de semer la zizanie chez les écolos.

Michel Soudais  • 2 octobre 2013 abonné·es

La ministre et la militante. Quand Cécile Duflot accuse, devant les parlementaires d’Europe Écologie-Les Verts, le ministre de l’Intérieur de s’aventurer  « au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain », la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement est dans son rôle : « On ne peut pas dire qu’il y a des catégories de population  [dont] l’origine justifierait qu’elles ne puissent pas s’intégrer. Ni, deuxièmement, que leurs pratiques et leur mode de vie sont un dérangement pour leurs voisins. » Mais c’est la militante qui soutient qu’il n’est pas possible de « laisser penser » que le gouvernement pourrait « utiliser les mêmes méthodes » que celles de Sarkozy, dénoncées naguère dans les « meetings contre le recours aux tests ADN » ou après le « scandale absolu » du discours de Grenoble. Et c’est même en chef de parti qu’elle rappelle François Hollande à sa « responsabilité »  : « Au-delà de son programme, il a été élu pour réparer des blessures douloureuses de notre pays.  […] C’est un rôle essentiel. C’est le pacte de valeurs qui a fondé cette majorité. »

Car, ce 26 septembre, Cécile Duflot sait qu’elle doit donner des gages à une base désorientée. La veille, Pascal Durand, le secrétaire national mis en place en juin 2012, a officialisé son retrait. Son ultimatum au président de la République, avec lequel il ne faisait que « porter la ligne du mouvement », explique-t-il dans un entretien au Nouvel Obs, a été un « prétexte » pour l’évincer et « l’illustration d’une certaine préférence pour le nombrilisme et la cuisine interne ». Dans la foulée, Noël Mamère, très critique sur la participation gouvernementale, a claqué la porte, définitivement. Affirmant dans un entretien au Monde, ne plus reconnaître le parti qu’il a représenté à la présidentielle de 2002, le député s’indigne du traitement « humiliant » subi par Pascal Durand et incrimine « les vrais patrons » d’EELV, « ceux qu’on appelle “la firme”, Cécile Duflot et ses amis ». Lesquels se sont déjà entendus sur le nom du successeur de Pascal Durand à l’issue du congrès de Caen, en novembre : ce sera Emmanuelle Cosse, vice-présidente de la Région Île-de-France en charge du logement, une proche de Cécile Duflot. À Angers, la sortie de cette dernière contre Manuel Valls a certes mis du baume au cœur des troupes, mais elle ne fait guère illusion. En une journée de travail à huis clos, les parlementaires écologistes ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur la réforme des retraites, en discussion le 7 octobre à l’Assemblée. Leur proposition de fiscalité écologique se heurte au refus du PS, et vient gonfler la liste des divergences avec la politique menée. Une liste, indexée sur les renoncements de François Hollande, qui réduit à peau de chagrin les engagements mis dans la corbeille de l’accord PS-EELV. Et menace le délicat équilibre entre posture protestataire et solidarité gouvernementale obligatoire. La question sera au centre des débats du congrès de Caen. Si Emmanuelle Cosse, à la tête de la motion « Pour un cap écologiste ! », défend comme de juste la poursuite de la participation gouvernementale, deux motions la questionnent fortement. L’une, qui rassemble des personnalités comme Alain Lipietz ou l’eurodéputée Karima Delli, se propose de « renouer avec le mouvement social » et « l’espoir né des origines d’EELV ». L’autre, portée notamment par Eva Joly et Julien Bayou, a créé la surprise. Pour « peser sur la politique du gouvernement » et éviter la « normalisation », elle prône un adossement d’EELV sur les « mobilisations citoyennes ». Plutôt que de composer avec le PS, elle veut favoriser l’émergence d’une « nouvelle majorité » incluant le Front de gauche, mais aussi « la gauche hétérodoxe du PS » ou « les membres de Roosevelt 2012 ». De quoi animer les discussions d’ici à Caen.

D’autant qu’aucun modèle en Europe ne peut cette fois aider les écolos à résoudre leur crise d’identité. En Allemagne, les Verts sont désormais la plus petite formation du Bundestag. La Gauche verte néerlandaise (GroenLinks) a dégringolé aux législatives de 2012, passant de 10 à 4 sièges à la chambre basse. En Autriche, ils ne sont plus que le cinquième parti du pays. Dans les États où ils pesaient le plus, les Verts « font le grand écart entre un réformisme assumé en participant au gouvernement et le projet écologiste », analyse Tudi Kernalegenn, chercheur à l’université de Rennes. Une position inconfortable. Ni payante ni vraiment tenable.

Politique
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