«Rencontres d’après minuit» : oser le lyrisme

Le premier film de Yann Gonzalez, les Rencontres d’après minuit , est un conte romantique ardent.

Christophe Kantcheff  • 13 novembre 2013 abonné·es

L’année 2013 persiste en ce qui concerne les propositions singulières et réjouissantes de jeunes cinéastes français. Après la Fille du 14 juillet ou la Bataille de Solferino, pour ne citer que ceux-là, voici, dans un genre extrêmement différent, les Rencontres d’après minuit, de Yann Gonzalez. Repéré pour ses courts métrages déjà très stylisés, Yann Gonzalez est celui qui, pour son premier long, ose le geste le plus étonnant : un conte érotico-romantique.

C’est manifeste dès la première séquence, où une femme en combinaison noire et cheveux au vent est emmenée sur une moto par un jeune homme dont le visage est entièrement camouflé par son casque. Cette scène sort tout droit de chez Robbe-Grillet [^2], que les cinéastes ne citent guère de nos jours. Le film se déroule l’espace d’une nuit d’hiver, dans un grand appartement moderne, où un couple étrange, Ali (Kate Moran) et Matthias (Niels Schneider), assisté d’une bonne masculine, Udo (Nicolas Maury), reçoit quatre individus en vue d’une partouze : l’Étalon (Éric Cantona), la Star (Fabienne Babe), la Chienne (Julie Bremond) et l’Adolescent (Alain-Fabien Delon). La nuit ne se déroulera pas exactement comme prévu. Au lieu d’une partie sexuelle – qui est juste esquissée, avec pas mal d’humour de surcroît –, chacun des participants à cette soirée va raconter son histoire, sa faille, sa fragilité.

On pénètre alors dans des récits mi-fantastiques mi-cauchemardesques, que le cinéaste met en scène avec une économie de moyens qui aiguise le sens du merveilleux. Qu’il s’agisse d’une cage dans un commissariat où est enfermé l’Étalon, qui voit entrer une dresseuse avec un fouet (Béatrice Dalle), des différents âges de la vie que traverse la Chienne à la recherche de sa mère ou du miracle au-delà de la mort qui unit Ali, Matthias et Udo. Yann Gonzalez cherche moins à reconstituer une esthétique années 1980 – pourtant très présente – qu’à extraire le tragique et le sentiment de solitude du kitsch (version Fassbinder ou Pierre et Gilles), et à faire sentir le souffle du lyrisme au cœur de représentations naïves. Chez Gonzalez, l’amour est indissociable de la mort, le trait comique de la gravité, la grossièreté du sentiment le plus pur. Le romantisme des Rencontres d’après minuit est à la fois vertigineux et prosaïque. Il faut dépasser l’impression de faux maniérisme qui peut gêner dans les premières minutes du film, pour se laisser gagner par l’ardeur qui le consume et l’hymne au bonheur qui le hante.

[^2]: Dont l’intégrale (neuf films) sort en DVD chez Carlotta.

Cinéma
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