François Hollande : un habile professionnel de la parole

Denis Sieffert  • 14 janvier 2014
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François Hollande : un habile professionnel de la parole

On sait François Hollande aguerri à ce genre d’exercice. Sans surprise, il s’est donc montré habile tout au long de sa conférence de presse, et notamment pendant la demi heure de présentation liminaire. Sur le fond, on attendait qu’il sorte du flou. Il l’a fait à sa façon, mais dans une direction nettement libérale. Il a prononcé un discours d’apparence structurée. Il s’est surtout appliqué à préciser les contours de son « pacte de responsabilité », rappelant qu’il s’agit « d’alléger les charges des entreprises en contrepartie de plus d’embauches et de plus de dialogue social » .

Si l’option libérale n’était pas assez claire, il a ajouté qu’il faut agir « sur l’offre » . Non sans affirmer de façon rhétorique que « ce n’est pas contradictoire avec la demande » . Ce qui aura sans doute plongé les économistes dans un abime de perplexité.

Toute la partie économique du discours présidentiel a un peu ressemblé au pâté d’alouette : un cheval d’aide aux entreprises, une alouette de social.

Des aides aux entreprises, des allégements du coût du travail précis et chiffrés et des contreparties vagues ou renvoyées à plus tard. Le président de la République a promis la mise en place d’un « observatoire des entreprises » et pour le printemps une « grande conférence sociale » .

Mais où le gouvernement va-t-il réaliser les économies qui permettront de réduire les charges des entreprises ? Là encore, François Hollande s’est gardé d’être trop précis. Il a annoncé la création d’un « conseil stratégique de la dépense » . Mais il a tout de même confirmé de façon inquiétante que les coupes toucheraient les dépenses de santé.

Cette présentation a suscité plusieurs questions sur l’identité politique du Président. Est-il social-démocrate ? S’inscrit-il dans les pas des très droitiers Schröder, en Allemagne, ou Blair, en Grande-Bretagne, ou dans ceux de Lionel Jospin ? François Hollande a plusieurs fois tenté d’esquiver la question avant de céder sur le mode humoristique qu’il affectionne :

« Ceux qui n’ont pas compris que je suis social-démocrate peuvent encore me poser la question ».

« Social-démocrate », on sait que l’usage médiatique a fait dériver le mot au point qu’il signifie aujourd’hui « libéral » ou « aile droite » des partis socialistes européens. Un journaliste facétieux a même demandé à François Hollande ce qui le différenciait encore de son prédécesseur…

Evidemment, François Hollande n’a pas échappé à la question sur les révélations de Closer. L’affaire était visiblement bien orchestrée puisque la question lui a été posée d’entrée par le président de la presse présidentielle, en conclusion de la présentation des vœux de la profession au Président. François Hollande s’est refusé à répondre tout en promettant qu’il s’exprimerait prochainement sur la question. De quoi encore alimenter la chronique pendant un certain temps.

Côté bons points, Jean-Marc Ayrault a eu droit à plusieurs mentions. Y compris lorsqu’il a évoqué l’affaire Dieudonné, il a pris soin de mettre en avant le Premier ministre. Manuel Valls aura sans doute apprécié.

Au total, François Hollande s’est livré à un exercice convenu, sans aucune surprise possible, et sans que les journalistes ne puissent jamais exercer un droit de suite. En présence, d’un habile professionnel de la parole comme lui, on peut se demander à quoi servent en vérité ces grands messes médiatiques. Mais la question n’est pas nouvelle…

Politique
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