Les prises de Nouvelle Donne

Après un mois et demi d’existence, la formation initiée par Pierre Larrouturou s’est fait une place à la gauche du PS. Concurrence ou convergence ?

Pauline Graulle  • 16 janvier 2014 abonné·es

Nouvelle Donne, nouveau refuge pour déçus de la politique ? Pour le parti lancé le 28 novembre par l’économiste Pierre Larrouturou, ex-socialiste, en vue d’établir des listes aux prochaines élections européennes, le succès est au rendez-vous. Au-delà des personnalités fondatrices (dont Susan George, Dominique Méda, Bruno Gaccio, Jean Gadrey), quelque 4 000 adhérents auraient pris leur carte en un peu plus d’un mois. Parmi eux, des transfuges du PS, mais aussi d’anciens militants d’Europe écologie-Les Verts (EELV) et du Front de gauche en quête de nouvelles aventures politiques. Pour l’instant, difficile de connaître précisément le profil de ces arrivants. Isabelle Attard, députée EELV du Calvados ayant rejoint Nouvelle Donne début décembre, estime « à la louche » que les militants se définissent comme suit – et par ordre décroissant : des primo-militants, des ex-socialistes, des ex-Verts, d’anciens militants du Front de gauche.

Chez les anciens d’EELV, c’est la participation à une majorité « sourde aux revendications écolos » qui explique, selon Isabelle Attard, les ralliements : « C’est notre association pieds et poings liés avec le PS qui nous a décidés à rejoindre Nouvelle Donne. On souhaite se libérer de ce carcan mental et retrouver notre liberté de pensée et d’action », indique celle qui estime « peser davantage quand on milite que quand on se couche pour voter telle ou telle loi ». La proximité des projets des deux formations joue également. La réduction du temps de travail historiquement prônée par les Verts fait écho à la semaine de quatre jours portée par Pierre Larrouturou. Quant à la promesse du nouveau parti de lancer un « grand plan européen énergie-climat-pouvoir d’achat » en mettant sur la table mille milliards d’euros, elle n’est pas pour déplaire aux écolos. Lesquels trouveront aussi chez Nouvelle Donne l’ambition – affichée puis abandonnée par EELV – de faire de la politique autrement : par exemple, en faisant campagne sur le projet pour ne désigner le nom des candidats aux européennes qu’au mois d’avril.

De là à faire craindre aux Verts un raz-de-marée de départs ? « On ne tient pas la comptabilité, mais ce ne sont pas des bataillons qui partent à Nouvelle Donne ! Pour l’instant, seule une députée les a ralliés, il ne faut pas exagérer le phénomène », tempère Julien Bayou. « Nouvelle Donne est un vrai beau projet, ajoute le porte-parole proche de la ligne d’Eva Joly. J’ai moi-même été l’un des 100 000 signataires du manifeste du Collectif Roosevelt [mouvement citoyen lancé en 2012, rassemblant grosso modo les mêmes personnalités et les mêmes idées que Nouvelle Donne, NDLR]. Mais ce mouvement arrivera-t-il à devenir autre chose que “le parti de Larrouturou” ? » Autre élément qui pourrait venir freiner l’exode des militants verts : au sein de ce parti où Larrouturou s’est engagé de 2009 à 2011, on connaît les limites du personnage. « Beaucoup de militants savent que Larrouturou fait du bon boulot, mais aussi qu’il souhaite surtout être député européen et qu’il n’est pas très fiable », lâche un écolo en « off ». Côté Front de gauche, on s’inquiète encore moins – en tout cas officiellement – des départs vers Nouvelle Donne. « Les transferts se comptent sur les doigts de la main. Les militants qui rejoignent Larrouturou avaient déjà rendu leur carte depuis longtemps », affirme Éric Coquerel, chargé de l’organisation des élections européennes au Parti de gauche. Ce proche de Jean-Luc Mélenchon estime qu’au lieu de craindre la concurrence il vaudrait mieux chercher la convergence. Objectif : former une « large alliance » pour peser comme une majorité alternative au PS pour les européennes. « J’ai écrit à Larrouturou pour lui faire part de notre proposition de partir unis, mais je n’ai pas encore reçu de réponse », poursuit Éric Coquerel.

Au Parti de gauche, le transfuge le plus « connu » est Patrick Viverge, brièvement rallié au parti de Mélenchon lors des dernières cantonales dans le Jura. Il y a aussi Maëlle Dubois, 23 ans, étudiante en master d’études européennes. Cette militante, bien identifiée au sein du PG pour y avoir été responsable du réseau jeunes pendant la campagne présidentielle, explique ce qui lui a fait sauter le pas : la plateforme de vingt propositions concrètes, cette manière collaborative de faire de la politique. « J’aime aussi cette idée d’aller porter nos positions auprès des élus, insiste Maëlle Dubois, d’y aller toutes les semaines, de ne rien lâcher. » « On ne lâche rien » ? On a beau changer de boutique, on ne se refait pas.

Politique
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