Never trust a « socialist »

Tu souhaitais du changement, Lucien, et le gars t’en promettait long comme le bras.

Sébastien Fontenelle  • 9 janvier 2014 abonné·es

Avant, sous l’hideux règne de Sarkozy, le président de la République se foutait de la gueule du monde : c’était genre il faisait des grandes déclarations sur le thème « les discriminations, c’est pas bien du tout », mais, quand tu y regardais d’un peu plus près, tu t’apercevais qu’il avait, dans le même temps, mis Claude Guéant au ministère de l’Intérieur – et que lui-même ne manquait pas de proférer moult vilenies sur les Roms (liste non exhaustive). Avant, sous l’hideux règne de Sarkozy, la droite, immensément arrogante, refusait de considérer que les recettes qu’elle applique depuis trente ans (je pense notamment à ses horribles accès de thatchérite de 1983 et de 1997) ont précipité notre cher and  [^2] vieux pays dans l’insécurité sociale, et le chef de l’État français continuait de psalmodier qu’il n’avait dans la vie d’autres véritables objectifs que de baisser les impôts et de réduire la dépense publique (et vice versa, il va de soi).

C’est pourquoi, Lucien, mon copain, tu as l’an dernier voté, nonobstant que je tentais désespérément de t’en dissuader en te répétant avec un peu d’insistance que ç’allait forcément te valoir à plus ou moins brève échéance de furieux maux de cul [^3], pour François Hollande, candidat « socialiste » – car tu souhaitais du changement et, justement, le gars, comptant que tu aurais un peu oublié qu’il était du parti des renégat(e)s, t’en promettait long comme le bras. Résultat : le président de la République dit aujourd’hui dans ses vœux qu’il se montrera intransigeant « face au racisme, face à l’antisémitisme, face aux discriminations » – mais, si tu y regardes d’un peu plus près, tu vas voir qu’il a mis dans Beauvau le dénommé Valls, qui ne manque jamais de proférer moult vilenies sur les Roms (liste non exhaustive), et que dans ces moments il soutient.

Puis il ajoute, sur un mode si reaganien qu’on dirait qu’il récite un vieil éditorial de Laurent Joffrin circa  1984, qu’il veut baisser les impôts et réduire la dépense publique : c’est ce qui lui vaut d’être acclamé par la presse de droite (où le taulier du JDD lui fait, pâmé, une ovation) – cependant que Pierre Gattaz, patron des patrons, feule dans le Monde (où il est comme chez lui) que ces dispositions lui donnent un plaisir fou.

Et te voilà, mon Lucien, qui te plaint quant à toi d’une terrible douleur au fondement, et qui ne sort plus jamais de chez toi sans t’équiper d’abord d’un coussin à mémoire de forme, pour le cas que tu devrais t’asseoir – et comme t’es mon copain, je ne vais certainement pas profiter de ton désarroi pour t’accabler de moqueries du style : te l’avais-je point dit, bougre d’âne ? Mais je veux tout de même que cette fois-ci tu m’écoutes, et qu’à l’orée d’une année qui s’annonce pleine de scrutins – municipaux d’abord, puis européen juste après –, tu écrives en gros sur ton frigo cette fière maxime : NEVER TRUST A (FUCKING) « SOCIALIST » À GUILLEMETS.

Ceci posé, je te la souhaite bonne, et ne doute point qu’elle le sera : tu verras que tout ira mieux quand tu auras fait le sage choix d’essayer enfin la gauche. 

[^2]: Bonne année, Robert !

[^3]: 2014, année poétique.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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