À Lyon, un hold-up démocratique

Gérard Collomb s’est fait tailler un régime d’exception qui lui confère tous les pouvoirs sur la future Métroplole lyonnaise.

Pauline Graulle  • 27 février 2014 abonné·es

Les électeurs lyonnais l’ignorent. Mais avec un seul bulletin glissé dans l’urne en mars prochain, c’est à deux élections qu’ils participeront. L’officielle : l’élection de leur maire. L’officieuse : l’élection du président de la future métropole. Dans les deux cas, Gérard Collomb, sénateur-maire (PS) de Lyon, sera probablement élu. Sauf que dans le second, il n’apparaît sur aucune liste ! Un homme qui, sans se présenter, a toutes les chances d’être élu : par quel miracle ce tour de passe-passe électoral va-t-il pouvoir se produire ? La réponse est à chercher auprès du principal intéressé. C’est lui qui a imaginé ce coup de billard à plusieurs bandes, avec l’aide d’un autre sénateur, Michel Mercier, l’ancien président (UDI) du conseil général du Rhône resté le patron de la droite locale. Tous deux ont réussi « l’arnaque du siècle », selon le mot d’Armand Creus, candidat Front de gauche dans le IXe arrondissement : inclure dans la loi sur la métropolisation un régime dérogatoire pour Lyon. Un régime qui leur permet de se tailler une métropole sur mesure, au moins jusqu’en 2020.

Première « exception » lyonnaise : la métropole, qui sortira de terre le 1er janvier 2015, sera une fusion entre le Grand Lyon (l’actuelle communauté urbaine) et une partie du département du Rhône. Dans l’ombre, Mercier et Collomb se sont répartis les postes – et les pouvoirs. À Mercier un département amputé de moitié mais acquis à la droite. À Collomb le faste de « l’euro-métropole » (sic), les pleins pouvoirs et la renommée. Même s’il devra pour cela faire endosser au « Super Grand Lyon » une bonne part de la faramineuse dette départementale (400 millions d’euros résultant des emprunts toxiques contractés par Mercier) et récupérer quelques « boulets », comme le Grand Stade ou le très dispendieux musée des Confluences. Avec sous sa coupe 58 communes, la Métropole lyonnaise va donc faire de son président l’élu local le plus puissant de France. Un véritable baron aux pouvoirs tentaculaires, qui aura en main aussi bien les compétences sociales dévolues au département (comme l’attribution des aides sociales – RSA, APA, etc.) que les compétences municipales sur le logement, l’eau ou la santé. Un édile qui lèvera l’impôt et gérera un budget de 3,5 milliards d’euros (davantage que celui de la région Rhône-Alpes). Et qui sera, cerise sur le gâteau, l’un des plus mals élus de la République.

Car c’est l’autre étage de la fusée Collomb-Mercier : confisquer aux électeurs le droit de voter directement pour leur futur « président ». Cette année, les Français vont élire, en plus de leurs conseillers municipaux, leurs élus à la communauté urbaine. Or à Lyon, ces derniers exerceront aussi le mandat de conseiller métropolitain. Et désigneront, à ce titre, le président de la Métropole. « Le législateur a pris ces dispositions transitoires pour […] éviter l’organisation d’une nouvelle élection en 2014 », précise le Conseil constitutionnel, qui a (étonnamment) entériné le texte. C’est bien connu, trop de démocratie nuit à la politique ! La décision des « sages » est d’autant plus problématique qu’elle revient, ni plus ni moins, à supprimer sans le dire l’élection cantonale. Si l’exécutif départemental était élu au suffrage universel direct depuis 1971, les électeurs lyonnais passeront leur tour en attendant… les prochaines municipales de 2020. Enfin, et c’était bien le moins, le cumulard Collomb (voir ci-contre) s’est assuré que rien ne viendrait contrarier ses ambitions. Il a fait inscrire dans la loi qu’ « à titre provisoire » il n’y aurait pas, à Lyon, « d’incompatibilité entre les fonctions de président du conseil de la métropole et de maire ». Oubliée la loi Fabius de 1986 sur l’interdiction de cumuler deux mandats exécutifs locaux ! Au final, la métropolisation « sauce lyonnaise » ressemble donc à un véritable hold-up démocratique. Dans l’indifférence générale. « À Lyon, les élus ont appris le coup de force politique de Mercier et Collomb par voie de presse, raconte Renaud Payre, prof à Sciences-Po Lyon et président du Groupe de réflexion et d’actions métropolitaines (Gram). Ça a un peu tangué, mais Collomb tient la municipalité et a fait taire l’opposition. » Quant à François Hollande, lors de sa (désormais fameuse) conférence de presse du 14 janvier, il citait la métropolisation lyonnaise… comme un exemple à suivre.

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