Le rêve coopératif s’invite dans l’industrie

À l’instar des salariés de Fralib, de plus en plus de travailleurs aspirent à sauver leur emploi en reprenant leur activité à leur compte.

Erwan Manac'h  • 6 février 2014 abonné·es

L’autogestion ouvrière est un rêve fou dans le domaine de l’industrie, qu’on croirait pieds et poings liés au productivisme. À la faveur de la crise, la vieille idée délaissée par le mouvement ouvrier au XXe siècle refait pourtant surface. Elle prend même forme, à 25 kilomètres de Marseille, dans l’immense usine de la Française d’alimentation et de boissons (Fralib) [^2]. Les salariés de cette fabrique d’infusions, dont l’activité – pourtant bénéficiaire – a été délocalisée en Pologne en 2010, sont sur le point de reprendre leur activité à leur compte. « Avec le combat des employés de Sea France et de Fralib à partir de 2010, nous avons constaté un tournant dans les luttes de travailleurs. Elles n’étaient plus seulement concentrées sur l’obtention d’indemnités de licenciement, elles visaient à maintenir l’emploi sous forme coopérative », observe Benoît Borrits, de l’Association autogestion, qui organisait le premier forum européen « L’Économie des travailleurs », le week-end dernier, dans les locaux de l’usine Fralib, en présence de travailleurs d’Europe et d’Amérique latine.

Pour réussir, les coopératives ouvrières doivent s’inventer de nouveaux marchés pour s’affranchir des réseaux de distribution et d’approvisionnement traditionnels. Circuits courts et développement durable deviennent autant que possible un leitmotiv. « Dans un système capitaliste, cela ne peut fonctionner qu’avec une prise de conscience des consommateurs-citoyens », souligne Rachid Ait-Ouakli, ouvrier de l’ex-usine de glaces Pilpa, à Carcassonne, qui s’apprête à redémarrer en coopérative avec un projet respectueux de l’environnement, La Fabrique du Sud. Deuxième enjeu crucial : le financement. « Beaucoup d’emplois nécessitent plus de 100 000 euros d’investissement pour leur sauvegarde », observe Michel Famy, directeur de l’union régionale des scops en Paca. Les outils de finance solidaire doivent donc se consolider avec l’appui des pouvoirs publics. Au Venezuela, le nombre de coopératives est passé de 800 au début des années 2000 à quelque 70 000 aujourd’hui, grâce à une série de mesures d’accompagnement des scops. En Europe, les militants du contrôle ouvrier veulent croire eux aussi à un vent nouveau. En Italie, en Espagne et en Grèce, là où le chômage plafonne, le modèle coopératif devient une alternative. « Nous pouvons y croire à l’aune de ce qui se passe en Amérique latine, où le mouvement s’est pérennisé, assure Benoît Borrits. Un nouveau mouvement politique et social est en train de naître. »

[^2]: Voir Politis, n° 1280.

Publié dans le dossier
Des idées pour vaincre le chômage
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